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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

nat qu’elle méditait. Elle envoya donc près de Gonthramn une personne affidée qui lui remit de sa part ce message : « Si tu parviens à faire sortir Merowig de la basilique, afin qu’on le tue, je te ferai un magnifique présent[1]. » Gonthramn-Bose accepta de grand cœur la proposition. Persuadé que l’habile Fredegonde avait déjà pris toutes ses mesures et que des meurtriers apostés faisaient le guet aux environs de Tours, il alla trouver Merowig, et lui dit du ton le plus enjoué : « Pourquoi menons-nous ici une vie de lâches et de paresseux, et restons-nous tapis comme des hébétés autour de cette basilique ! Faisons venir nos chevaux, prenons avec nous des chiens et des faucons, et allons à la chasse nous donner de l’exercice, respirer le grand air et jouir d’une belle vue[2]. »

Le besoin d’espace et d’air libre que ressentent si vivement les emprisonnés parlait au cœur de Merowig, et sa facilité de caractère lui faisait approuver sans examen tout ce que proposait son ami. Il accueillit avec la vivacité de son âge cette invitation attrayante. Les chevaux furent amenés sur-le-champ dans la cour de la basilique, et les deux réfugiés sortirent en complet équipage de chasse, portant leurs oiseaux sur le poing, escortés par leurs serviteurs et suivis de leurs chiens tenus en laisse. Ils prirent pour but de leur promenade un domaine appartenant à l’église de Tours et situé au village de Jocundiacum, aujourd’hui Jouay, à peu de distance de la ville. Ils passèrent ainsi tout le jour, chassant et courant ensemble, sans que Gonthramn donnât le moindre signe de préoccupation et parut songer à autre chose qu’à se divertir de son mieux. Ce qu’il attendait n’arriva point. Ni durant les courses de la journée, ni dans le trajet de retour, aucune troupe armée ne se présenta pour fondre sur Merowig, soit que les émissaires

  1. Misit ad Guntchramnum Bosonem Fredegundis regina, quæque ei jam pro morte Theodoberti patrocinabatur, occultè dicens : « Si Merovechum ejicere potueris de basilicâ ut interficiatur, magnum de me munus accipies. » Greg. Turon. hist., lib. v, pag. 240.
  2. At ille præstò putans esse interfectores, ait ad Merovechum : « Ut quid hic quasi segnes et timidi residemus, et ut hebetes circà basilicam hanc occulimur ? veniant enim equi nostri, et acceptis accipitribus, cum canibus exerceamur venatione, spectaculisque patulis jocundemur. » Hoc enim agebat callidè, ut cum à sanctâ basilicâ separaret. Greg. Turon. hist., ibid.