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furieux, pouvait cesser de respecter, il se promit de venir les chercher lui-même, et ce fut avec cette pensée, la seule bonne qui pût germer dans son ame, qu’il franchit les limites consacrées, galoppant à côté de Merowig[1].

Près de six cents cavaliers, recrutés selon toute apparence parmi les aventuriers et les vagabonds du pays, soit Franks, soit Gaulois d’origine, accompagnaient les deux fugitifs. Longeant, du sud au nord, la rive gauche de la Loire, ils firent route en bon ordre sur les terres du roi Gonthramn. Arrivés près d’Orléans, ils tournèrent vers l’est pour éviter de passer par le royaume de Hilperik, et parvinrent sans obstacle jusqu’aux environs de la ville d’Auxerre ; mais là s’arrêta leur bonne fortune. Erp ou Erpoald, comte de cette ville, refusa le passage, soit qu’il eut reçu quelque dépêche du roi Hilperik, réclamant son assistance amicale, soit qu’il agît de son propre mouvement pour maintenir la paix entre les deux royaumes. Il paraît que ce refus donna lieu à un combat, dans lequel la troupe des deux proscrits eut complètement le dessous. Merowig, que la colère avait sans doute poussé à quelque imprudence, tomba entre les mains du comte Erpoald ; mais Gonthramn, toujours habile à s’esquiver, battit en retraite avec les débris de sa petite armée[2].

N’osant plus s’aventurer du côté du nord, il prit le parti de retourner sur ses pas, et de gagner l’une des villes d’Aquitaine qui appartenaient au royaume d’Austrasie. Les approches de Tours étaient pour lui extrêmement dangereuses. Il devait craindre que le bruit de sa fuite n’eût décidé Hilperik à faire marcher ses troupes, et que la ville ne fût remplie de soldats. Mais toute sa prudence ne prévalut point contre l’affection paternelle ; au lieu de passer au large avec sa bande de fuyards, peu nombreuse et mal armée, il alla droit à la basilique de Saint-Martin : elle était gardée ; il y entra par force et en sortit aussitôt, emmenant ses filles qu’il voulait met-

  1. Adsumto secum Guntchramno duce, cum quingentis aut eo ampliùs viris discessit. Egressus autem basilicam sanctam… Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 241.
  2. Cùm iter ageret per Autisiodorense territorium, ab Erpone duce Guntchramni regis comprehensus est. Greg. Turon. ibid.