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DERNIÈRE RÉVOLUTION DU PÉROU.

de la république ; ce plan de révolte ou plutôt de domination, combiné depuis plusieurs années, était tellement bien arrêté, qu’à l’exception de trois cents hommes de cavalerie, toute l’armée s’est prononcée en faveur de la rébellion, et le général Nieto est le seul de l’immense état-major du Pérou qui ait entrepris de défendre les lois de son pays sans arrière-pensée et sans ménagement.

Le Cuzco, où existe le matériel de la république, Puno, Ayacucho, Truxillo, tout le pays se déclarait contre l’autorité légale, et le gouvernement paraissait attendre que le ciel fît un nouveau miracle en sa faveur, lorsque heureusement le général Miller arriva. Il ne voulut point s’arrêter à Lima, et se mit aussitôt en route, à la recherche de l’ennemi, avec une compagnie d’infanterie forte de cent sept hommes et de vingt-cinq chevaux ; il fallut bien alors songer à soutenir le général Miller, et les opérations du gouvernement devinrent plus actives. Par un bonheur inespéré, une partie des troupes qui marchaient pour s’incorporer avec Gamarra se rangèrent sous les ordres d’un officier fidèle, qui les conduit au général Miller, au moment où je vous écris. Enfin, c’est entre les mains de cet officier-général, dont le corps d’armée s’élèvera bientôt à sept cents hommes, que se trouvent aujourd’hui les destinées du pays. L’opinion publique se prononce partout en faveur du général Obregoso ; mais les ressources de Gamarra sont trop considérables pour que cette lutte, à moins d’un événement extraordinaire, se termine avant six mois. Il est à craindre au contraire que la guerre civile n’étende ses ravages sur ce malheureux pays, appelé par le caractère de ses habitans à ne jamais devoir connaître un aussi terrible fléau. L’Indien n’abandonne jamais son toit paternel, la force seule peut l’en arracher ; traînant après lui sa femme et ses enfans, il ne s’attache jamais à son drapeau, il ne renonce point à ses habitudes domestiques, et lorsque le jour du licenciement arrive, il rentre chez lui sans y porter le moindre souvenir de la vie des camps. Soldat intrépide, il sert à son poste sans que rien puisse le lui faire abandonner ; si son officier, en mourant ou en prenant la fuite, ne change pas sa consigne ou ne l’entraîne point avec lui, il meurt où il a reçu l’ordre de rester : d’une sobriété enfin sans exemple, il supporte sans murmures des privations et des fatigues auxquelles nul soldat européen ne pourrait ré-