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REVUE. — CHRONIQUE.

les vois partout vrais croyans et bons chrétiens ; mais en Palestine et surtout dans la ville sainte, je les voudrais plus naïvement catholiques ; je les voudrais un peu superstitieux même.

C’est cette candide dévotion qui donne des charmes infinis à la relation d’un pareil voyage qu’un pèlerin de Salamanque a publiée en espagnol il y a quelques années. Cet écrit ne semble pas en vérité de ce siècle, et je ne puis résister au désir d’en traduire ici quelques lignes.

« Nous étions encore à une demi-lieue de Jérusalem, dit le pélerin, lorsque nous commençâmes à la distinguer dans le lointain. Sa vue me jeta dans un contentement inexprimable. J’allais descendre de mon cheval afin de baiser la terre et de gagner l’indulgence plénière accordée en ce cas ; mais les religieux avec lesquels je venais m’en empêchèrent, m’avertissant que les Turcs qui nous escortaient me couperaient infailliblement la tête, si je donnais en leur présence de telles marques de piété. »

Assurément, MM. Michaud et Poujoulat nous montrent bien mieux, bien plus complètement la ville sainte et ses environs que ne l’a fait le pauvre pélerin ; mais leur religion éclairée et intelligente ne touche pas comme son ignorante simplicité.

Il termine son itinéraire par une sorte d’instruction destinée à ceux qui entreprendront après lui le pélerinage de la terre sainte.

« Ceux-là, dit-il, devront se pénétrer d’abord profondément de la lecture du Nouveau-Testament, et l’apprendre même par cœur.

« Avant de se mettre en route, ils feront une confession générale de tous les péchés de leur vie. S’ils ont quelques biens et quelque fortune, ils feront aussi leur testament, et légueront aux églises et aux couvens le plus qu’ils pourront d’argent à employer en messes.

« Ils ne s’arrêteront nulle part à voir des objets de curiosité, comme monumens ou choses d’art qui les pourraient détourner de leur but pieux.

«Fussent-ils fort riches, ils ne devront emmener avec eux aucun domestique, ni se pourvoir de plus de six mille réaux et de quatre chemises.

« Durant toute la navigation, comme on ne voit rien que le ciel et l’eau, ils passeront leur temps en prières et en oraisons mentales. »

Nous laissons là le surplus des conseils de notre bon pélerin. Nous en avons dit assez pour ceux qui seront tentés de s’en aller en pélerinage comme lui à Jérusalem, et le nombre n’en sera pas grand parmi nous, j’en ai peur.

Quant aux simples voyageurs, à ceux qui voudront visiter la terre sainte seulement en curieux, soit de leur propre personne, soit sans se déranger du coin de leur feu, à ceux-là nous recommanderons les lettres de MM. Michaud et Poujoulat ; ils ne sauraient trouver pour leurs explorations