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DES LÉGISLATIONS COMPARÉES.

torité et ménager ainsi dans sa maison un pouvoir héréditaire. Mais vers 1032 on obligea le doge, désormais électif, à prendre l’avis d’un conseil formé des plus illustres citoyens qu’il convoquait lui-même. C’était le principe aristocratique qui commençait à prévaloir contre l’unité ducale : le siècle suivant vit des innovations nouvelles, l’érection du grand conseil, composé de quatre cent quatre-vingts citoyens, pris en nombre égal dans tous les quartiers de la ville et renommés tous les ans : le peuple ne les élisait pas, mais douze électeurs appelés tribuns. Au commencement du xiiie siècle, le grand conseil nomma lui-même les électeurs qui devaient le renouveler ; il approuvait aussi ou rejetait ses successeurs désignés. Alors le doge gouvernait avec six conseillers à robe rouge qui formaient la seigneurie et le conseil des pregadi. Désormais l’aristocratie travaillait ouvertement à tout concentrer dans ses mains. Cependant le peuple s’avisa qu’il n’était pas libre ; il se révolta : sa défaite riva sa servitude. L’aristocratie victorieuse rendit le grand conseil héréditaire entre les familles qui y avaient séance dès l’origine ; elle ouvrit le livre d’or, condamnant à l’inhabileté politique tous les nobles qui n’y seraient pas inscrits ; enfin elle créa le conseil des Dix[1]. L’autorité du nouveau conseil était dictatoriale, il cassait les décisions du sénat, traitait avec les puissances étrangères, enlevait à la quarantie criminelle les jugemens des affaires d’état, et de quelques grands crimes. L’aristocratie estima que sa puissance n’était pas encore assez formidable, elle imagina les inquisiteurs d’état. Ces hommes étaient trois : ils avaient partout des espions, on les appelait des observateurs, dans la noblesse, les citadins, les populaires et les ordres religieux : ils s’assemblaient le lendemain des élections des magistrats par le grand conseil ; ils examinaient la réputation de chaque magistrat, sa fortune : ils faisaient tendre des pièges à ceux qu’ils estimaient suspects. Jamais d’exécution publique. Le condamné était noyé de nuit dans le canal Orfano. Si quelque noble parlant dans le grand conseil ou le sénat, abordait

  1. Le conseil des Dix était composé de dix-sept membres :

    Les Dix proprement dits ;
    Le doge ;
    Les six conseillers du doge.