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DE L’ABSOLUTISME ET DE LA LIBERTÉ.

ment jugées nécessaires ? Non certes, ce n’est pas là ce qui agite les peuples et les émeut si puissamment. Il s’agit pour eux de substituer, dans les bases même de la société, un principe à un autre principe, l’égalité de nature à l’inégalité de race, la liberté de tous à la domination native et absolue de quelques-uns. Et cela, qu’est-ce autre chose que le christianisme s’épandant au dehors de la société purement religieuse, et animant de sa vie puissante le monde politique, après avoir perfectionné, au-delà de toute mesure jadis espérable, le monde intellectuel et moral ?

Il posa pour principe fondamental de sa doctrine, sous le point de vue où nous la considérons en ce moment, l’égalité des hommes devant Dieu, ou l’égalité de droit de tous les membres de la famille humaine. Et à ce sujet nous remarquerons que cette importante doctrine n’a de valeur historique et philosophique qu’en admettant l’unité de race, sans quoi évidemment une race pourrait être naturellement supérieure aux autres, ainsi qu’Aristote l’a soutenu parmi les anciens. La doctrine chrétienne, selon laquelle, conformément aux antiques traditions, le genre humain provient d’une seule tige, est donc sans contestation la plus favorable à l’humanité, et doit être gardée soigneusement comme la base même de toute justice réciproquement égale et de toute société équitable. À cet égard la science, qui s’est quelquefois trop livrée à la hardiesse de ses conjectures physiologiques, a de grands devoirs à remplir.

Le principe de l’égalité des hommes devant Dieu devait nécessairement en enfanter un autre qui n’en est que le développement ou plutôt l’application, savoir : l’égalité des hommes entre eux, ou l’égalité sociale ; car s’il existait, sous ce rapport, une inégalité essentielle et radicale relative au droit, cette inégalité les rendrait primitivement inégaux devant Dieu. L’égalité religieuse tend donc à produire, comme sa conséquence et son complément, l’égalité politique et civile. Or, l’égalité politique et civile a pour forme la liberté ; car elle exclut originairement tout pouvoir de l’homme sur l’homme, et oblige dès-lors à concevoir la société temporelle, la cité, sous l’idée d’association libre, dont le but est de garantir les droits de chacun de ses membres, c’est-à-dire encore sa liberté, son indépendance native.

Ces droits garantis par l’association sont de deux ordres : 1o  les