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NAPOLÉON.

À Rome l’herbe croît ; dans mon creuset d’airain
J’ai fondu de Moscou la coupole d’étain.

Je n’aime plus au Caire à voir sous la tempête
Les minarets nouer leurs turbans sur leur tête.
De Naple et de Madrid la feuille d’oranger
M’empêche de dormir mon sommeil trop léger.
L’obélisque du Nil, pour compter mes journées,
Raccourcit trop son ombre et trop mes destinées.

Je voudrais que ma ville, avec son bastion,
Entourât l’univers et lui donnât son nom,
Et qu’elle eût sur sa place une arche triomphale
Faite d’un pan du ciel, tout d’azur et d’opale,
Afin que mon armée eût le temps d’y passer,
Avant que l’Éternel commence à s’affaisser.

.................
Mais que cette heure est longue ! Est-ce une heure immortelle ?
Que cette nuit est noire ! et quand finira-t-elle ?
Par ici, suivez-moi, vous, maréchal Bertrand,
La terre est trop petite et mon orgueil trop grand.


viii.


Le soir la colonne Vendôme
Se tint debout comme un fantôme
Sur le tombeau d’un peuple mort,
Comme la tour d’un château fort
De pur granit bâtie en France
Sur le tertre de sa vaillance ;
Comme l’escalier éternel
Qui monte à la voûte du ciel.

Les soldats de fer qu’elle abrite
Sont tous sortis de leur guérite.
Ils ont pris leurs habits d’airain,
Et dans leurs sacs mis leur butin.