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comme une âme, en l’emplissant de la vapeur motrice ? À ce spectacle, ne se trouve-t-on pas tenté de se rappeler Jehovah animant de son souffle le limon que sa main vient de pétrir ?

Les notions bizarres que s’était faites l’antiquité sur la forme de la terre, ne pouvaient persister dans les esprits, après ce grand mouvement d’exploration et de colonisation ; elles furent promptement rectifiées. Les populations fantastiques dont les géographes couvraient certaines contrées lointaines et alors inconnues, se sont enfuies au grand jour de la science, comme font les fantômes de la nuit à l’approche du soleil. Le globe entier n’a plus maintenant un seul rivage où nous n’ayons abordé, un seul coin de la terre qui ne porte la trace de nos pas, un seul grain de sable que nous n’ayons en quelque sorte décrit et mesuré. Et bien plus, cette même terre que nous foulons aux pieds, ne l’avons-nous pas, pour ainsi dire, créée nous-mêmes et de nos propres mains ? La nature nous l’avait livrée sous la forme d’une surface plane, limitée en tous sens ; nous l’avons courbée à ses extrémités ; nous l’avons arrondie en un globe qui, construit pour ainsi dire pièce à pièce, partie par partie, dégagé des trompeuses apparences sous lesquelles il se montrait à nous, est devenu notre propre ouvrage, tout aussi bien que la statue tirée du bloc de marbre par le ciseau du sculpteur, ou le navire savamment et péniblement construit sur nos chantiers.

Puis voilà qu’à son tour cette terre, ne suffisant déjà plus à l’immensité de nos désirs, ne devient bientôt plus dans nos mains qu’un instrument de découvertes nouvelles, ainsi que l’avait déjà été ce navire auquel nous venons de la comparer. À peine sa surface a-t-elle été connue et mesurée, qu’il nous a fallu connaître non moins exactement la courbe de son évolution autour du soleil ; nous en avons saisi les moindres détails, les plus légères inflexions. Le chemin parcouru par les autres planètes a été décrit de même, avec un égal degré de précision. Les passagères apparitions de quelques fugitives comètes, qui semblaient errer au hasard dans l’espace et ne reconnaître aucune loi, n’ont point échappé elles-mêmes aux sévères investigations de la science. Armés de leurs savans instrumens, nos astronomes voient s’amoindrir, s’effacer devant eux les espaces du ciel, ainsi que, sous, les pas de nos navi-