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d’une assez grande importance par elles-mêmes, pour ne point vouloir se grouper autour d’un seul homme ; M. Pagès, M. Laffitte, M. Mauguin, pourraient tout aussi bien prétendre à un premier rôle. D’ailleurs, en pénétrant profondément dans le caractère de M. Odilon Barrot, tout en lui reconnaissant des formes et des conditions parlementaires, une certaine manière de formuler convenablement les idées et les convictions politiques de son parti, il faut aussi constater une incertitude de caractère, un besoin de ménager avant toute chose la source de tous les honneurs, les Tuileries que l’ancien préfet de la Seine s’est trop habitué à considérer comme l’unique origine de toutes les fortunes parlementaires. M. Odilon Barrot ne doit pas se le dissimuler à lui-même, il est courtisan ; dans un temps où les illusions politiques sont un peu désappointées, un homme de la portée de M. Barrot ne devrait plus s’exagérer l’idée de la force et de l’éclat de la royauté à ce point de l’avoir comme pensée fixe et d’être préoccupé d’elle seule dans ses convictions. Pourtant quand on a fait un roi, on devrait ne point trop adorer les prestiges d’un trône ; le 7 août est trop rapproché de nous pour qu’on puisse déjà en faire un temps héroïque, temps de nuages et de fables divines où tous les pouvoirs apparaissent comme la foudre des dieux qui éclate. C’est un défaut dont M. Odilon Barrot doit le plus vivement se défendre ; s’il arrive, ce doit être par le parlement. Il a vu, cette année, la conduite de ce tiers-parti sur lequel il prétendait à une action ; ce tiers-parti l’a délaissé complètement, et par là il fait à M. Barrot une position très nette à la hauteur de laquelle il doit désormais se placer ; il serait trop malheureux de voir une scission s’établir entre lui et M. Laffitte. Le côté gauche de l’opposition n’a plus à sa queue quelques-unes de ces unités trop violentes qui dans la dernière session brusquaient les événemens qu’une opposition ne doit pas désirer par des vœux trop ardens de tribune, mais qu’elle doit prendre et adopter, quand ils arrivent, comme des faits de providence, contre lesquels il ne faut pas se raidir. Dans l’état d’indifférence où en sont venues les opinions, les républicains fougueux comme les dynastiques écumans sont de véritables têtes à contre-sens. On supporte le gouvernement qui existe comme on supporterait également tout autre système à venir, s’il se présentait avec des conditions d’ordre et de durée. N’excluons rien ; c’est par ce moyen que M. Odilon Barrot réunira autour de lui un grand nombre de convictions qui ne rentreraient pas toutes précisément dans son système de cour et dans ses habitudes de palais ; le chemin sera plus long sans doute, mais il sera plus sûr. Il est surtout important que le côté gauche ne fasse pas de fautes dès l’origine de la session ; une faute, surtout au commencement d’une vie parlementaire, peut reculer un parti indéfiniment. Vous voyez com-