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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

Quant aux députés inscrits sur les fonds secrets, ç’a été une plaie de tous les temps, mais qui s’est profondément agrandie depuis le système du 7 août. La corruption a fait d’immenses progrès, et un ministre qui aime à badiner avec tous les désordres du cœur et toutes les flétrissures de l’ame, disait haut : « Les députés sont à trop bon marché, nous n’en voulons plus. » M. Thiers a la disposition de ces faveurs, c’est lui qui est chargé de ce trafic des voix à chaque ouverture de session ; mille francs par mois, c’est le taux. Il y a un homme qui pourrait un jour faire un triste tableau de toutes ces corruptions : c’est M. Gérin, le payeur des fonds secrets, et qui reçoit les quittances de ces mendians parlementaires.

La troisième coterie se compose des jeunes hommes du pouvoir. J’ai déjà signalé cette tendance des jeunes dans le dernier parlement. Faire du pouvoir est aujourd’hui une prétention ; avec cela on se donne l’air d’hommes de gouvernement à pensées fortes ; on veut renouveler un bonapartisme au petit pied ; Napoléon n’avait-il pas 30 ans, lorsqu’il se donna la mission de rétablir l’ordre par le consulat ? Voyez-vous comme cela serait beau ! le consulat de M. Saint-Marc Girardin, de M. Jaubert, de M. Mahul, s’il était encore dans la chambre ! — Fi donc ! faire de la liberté, c’est trop commun ! comment pourrait-on se poser dans un salon en avouant cette malheureuse faiblesse pour les garanties politiques ? Faisons du pouvoir, reconstituons la société ; qui sait même ? régénérons les mœurs publiques, en créant pour nous une aristocratie de collége et d’instruction publique ; Bonaparte avait la puissance des victoires ; nous avons celle de l’intelligence. — Ces petits hommes forment une nouvelle congrégation ; ils s’exaltent, se glorifient les uns les autres ; ils sont les forts, ils sont les grands ; la société ne vit que par eux et ne se sauvera qu’avec eux ; nés dans la classe plébéienne, ils se laissent aller aux éloges de quelques femmes titrées qui, ayant apostasié leurs vieux titres et leurs vieux noms pour s’unir au gouvernement de juillet, renégats à jupons, font de l’ordre public pour protéger ce pouvoir du 7 août, en qui reposent toute leur fortune et leurs espérances.

La dernière nuance ministérielle se compose des trembleurs parlementaires qui se font nommer députés pour représenter à la chambre la terreur bourgeoise et la poltronnerie des émeutes ; ce sont la plupart des gens honnêtes, probes, excellens pères de famille, généraux ou officiers supérieurs dans la garde nationale, succombant d’orgueil sous leurs vastes épaulettes ; comment ne se pâmeraient-ils pas d’amour et de reconnaissance envers un pouvoir qui les élève à la hauteur des vieux soldats, eux les représentans de ce que la société a de plus épouvanté ? Ensuite on fait tant de caresses aux généraux Delessert et Delaborde, à ces braves chefs