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REVUE. — CHRONIQUE.

de prendre la couronne et qui présida à la première direction diplomatique de la révolution de juillet. M. de Talleyrand a vieilli d’esprit autant que de corps ; peu importe, il sera consulté sur la direction nouvelle à imprimer aux affaires, et peut-être, sur une modification ministérielle, si elle est indispensable. M. de Talleyrand arrive ici porteur de paroles des whigs pour deux ou trois questions importantes, et particulièrement sur l’intervention d’Espagne et sur les affaires d’Orient ; il vient surtout expliquer intimement au roi la position des whigs en Angleterre qui commence à se compliquer singulièrement. Le parti conservateur, qui s’était jusqu’ici borné à des intrigues, semble prendre en Angleterre dès ce moment une attitude hostile et décisive dans la chambre des lords ; le roi d’Angleterre ne paraît pas décidé, d’un autre côté, à prêter aux whigs l’appui dont ils auraient besoin, c’est-à-dire à consentir à une création de pairs qui seule peut rétablir l’harmonie entre les deux branches de la législature. Deux bills ont déjà été rejetés par les lords ; si cette lutte se prolonge, et que par un concours de circonstances surtout, une crise soit amenée en Portugal et en Espagne, le parti conservateur aurait dès-lors d’immenses élémens de succès pour la formation d’un ministère Peel, c’est-à-dire de tories modérés. M. de Talleyrand vient donc exposer les chances diverses que pourrait subir l’alliance avec l’Angleterre, et la nécessité de soutenir par un appui franc et sincère les mesures que pourrait prendre le ministère anglais pour raffermir sa popularité parlementaire chancelante. Par la force des choses, lord Melbourne est obligé de chercher appui dans les whigs exaltés, et ces whigs, comme parti, exigent des sacrifices que la position de lord Melbourne à l’égard de la couronne ne lui permet pas de faire.

L’arrivée de M. de Talleyrand à Paris, si elle s’effectue, ne sera pas de nature à grandir le crédit de M. Dupin. On sait que, bien que M. de Talleyrand ait servi de cornac à M. Dupin dans son voyage triomphal en Angleterre, cependant le vieux diplomate a pris une très mauvaise opinion de la capacité générale et des manières surtout du président de la chambre des députés qu’il aimait à appeler le représentant du mauvais ton de la France. Louis-Philippe est, de son côté, très mal disposé pour celui qui se vante pourtant d’avoir refusé plusieurs fois des ministères ; le roi élu de la révolution de juillet a conservé les formes et les habitudes des gentilshommes ; il n’aime pas toutes ces rudesses dont M. Dupin se fait gloire auprès de ses amis ; ce serait l’homme dont il subirait la présence au conseil avec le plus de mauvaise humeur. M. Dupin ne se persuade pas assez cette vérité, et, parce qu’il est bien accueilli au château comme commensal, parce que petits et grands ont ordre de l’accabler de poignées de main, il se croit très avant dans les amitiés et dans la confiance royale. — Les deux questions spéciales sur lesquelles M. de Talleyrand sera consulté et sur lesquelles lui-même vient s’expliquer avec le roi sont l’intervention en Espagne et la question d’Orient. L’Angleterre veut savoir le dernier mot de la France au cas où les événemens, prenant un certain caractère de gravité, il faudrait appliquer activement les principes posés par le traité de la quadruple alliance. M. de Talleyrand n’est pas pour la