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REVUE DES DEUX MONDES.

LE BARON.

Je serais bien aise de vous voir entreprendre ce garçon, — discrètement, s’entend, — devant sa cousine ; cela ne peut produire qu’un bon effet ; — faites-le parler un peu latin, — non pas précisément pendant le dîner, — cela deviendrait fastidieux, et quant à moi, je n’y comprends rien, — mais au dessert, — entendez-vous ?

MAÎTRE BRIDAINE.

Si vous n’y comprenez rien, monseigneur, il est probable que votre nièce est dans le même cas.

LE BARON.

Raison de plus ; ne voulez-vous pas qu’une femme admire ce qu’elle comprend ? D’où sortez-vous, Bridaine ? Voilà un raisonnement qui fait pitié.

MAÎTRE BRIDAINE.

Je connais peu les femmes ; mais il me semble qu’il est difficile qu’on admire ce qu’on ne comprend pas.

LE BARON.

Je les connais, Bridaine ; je connais ces êtres charmans et indéfinissables. Soyez persuadé qu’elles aiment à avoir de la poudre dans les yeux, et que plus on leur en jette, plus elles les écarquillent, afin d’en gober davantage.

(Perdican entre d’un côté, Camille de l’autre.)

Bonjour, mes enfans ; bonjour, ma chère Camille, mon cher Perdican ! embrassez-moi, et embrassez-vous.

PERDICAN.

Bonjour, mon père, ma sœur bien-aimée ! quel bonheur ! que je suis heureux !

CAMILLE.

Mon père et mon cousin, je vous salue.

PERDICAN.

Comme te voilà grande, Camille ! et belle comme le jour.

LE BARON.

Quand as-tu quitté Paris, Perdican ?

PERDICAN.

Mercredi, je crois, ou mardi. Comme te voilà métamorphosée en femme ! Je suis donc un homme, moi ? Il me semble que c’est hier que je t’ai vue pas plus haute que cela.

LE BARON.

Vous devez être fatigué ; la route est longue, et il fait chaud.