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dait aux paysans de détestable thériaque, de la poudre qui cariait leurs dents, et qu’on les empoisonnait à très grand prix. Il pensa que s’il y avait des prédicateurs nomades, des cours d’assises mobiles, des tournées d’inspecteurs de finances, et d’inspecteurs d’université, il serait fort utile de faire voyager aussi un médecin nomade, qui serait charlatan par philanthropie.

Kempf eut donc une pharmacie complète ; de plus, un fort beau théâtre de marionnettes, un Italien grotesque pour paillasse, un habit rouge brodé d’argent, deux chevaux gris, une belle calèche, et il commença sa croisade. Il aimait à faire des harangues au peuple, à réciter des contes, à débiter des histoires, à déclamer sur tous les sujets. Quelquefois il habillait ses polichinelles en membres du parlement ou en lords de la chancellerie. Il écrivait les drames qu’il faisait jouer à ses acteurs de bois ; et quinze ans de sa vie se passèrent ainsi. On a conservé quelques-unes des étranges harangues qu’il prononçait du haut de ce carrosse qui lui servait de tribune : entre autres une définition nouvelle du gouvernement représentatif, définition pleine de barbarismes de langage ; — que le Gentleman’s Magazine a reproduite dans toute sa crudité, — et que je rapporte, non sans scrupule.


UN SERMON EN PLEIN AIR SUR l’ÉCONOMIE POLITIQUE.


« Messieurs, disait Kempf (pour le cynisme duquel nous demandons humblement pardon), mes chers frères et amis, la machine politique dont on nous fait tant de bruit, et que vous appelez Constitution anglaise, me semble se diviser en deux parties ; permettez-moi de vous en expliquer le mécanisme et prêtez-moi votre attention.

« Le gouvernement représentatif est une double machine d’élévation et de compression. Elle se compose d’un ressort pour soulever l’ambition des classes moyennes, et d’un pilon pour les écraser. Vous les voyez surgir, lever la tête, prendre le bonnet de la milice, faire les fières et les hautaines ; puis, quand ce ressort qui les pousse par derrière a bien fait son effet, un gros et massif morceau de bois et de plomb les enfonce, les écrase, les refoule, les comprime. Le représenté se révolte et relève la tête, et le pilon enfonce toujours.