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nouveauté est reproduite avec insistance. Nous l’avions signalée il y a deux ans[1] ; elle reparaît aujourd’hui avec des développemens. « Il est déplorable de voir jusqu’à quel excès se précipitent les délires de la raison humaine, quand quelqu’un se jette dans les nouveautés, etc., etc.… Vous comprenez bien, vénérables frères, qu’ici nous parlons aussi de ce système trompeur de philosophie introduit récemment et tout-à-fait blâmable, dans lequel, par un désir effréné des nouveautés, on ne cherche pas la vérité là où elle se trouve certainement, et négligeant les traditions saintes et apostoliques, on admet d’autres doctrines vaines, futiles, incertaines et non approuvées par l’église, doctrines que les hommes légers croient faussement propres à soutenir et appuyer la vérité. » Il paraît que Grégoire xvi n’a pas souvent réfléchi sur la manière dont s’est successivement formé le christianisme. Croit-il que sans nouveautés les quatre évangiles eux-mêmes aient été rédigés ? Et les autres évangiles qui ne sont pas venus jusqu’à nous ? Grégoire xvi ne s’est-il donc jamais aperçu que Jean a d’autres opinions que Luc, que l’apôtre Paul a apporté des nouveautés à la doctrine naissante du Christ ? Ignore-t-on à Rome que les pères et les docteurs illustres de l’église étaient nouveaux dans leur siècle, qu’ils ont formé la doctrine catholique par des nouveautés successives et par des originalités qui leur étaient propres ? Grégoire xvi semble destiné à faire de son pontificat l’apogée de l’incapacité papale. Il y eut un autre Grégoire, premier du nom, unanimement appelé le grand, qui fonda l’autorité morale de la papauté, qui détruisit en Lombardie les restes de l’arianisme, fit en Espagne des conversions fécondes, conquit l’Angleterre à l’Évangile, parlait à toute l’Europe par une immense correspondance, écrivait à Brunehaut aussi bien qu’à l’évêque de Marseille, inspectait toutes les églises de l’Occident, forçait au respect Constantinople, partout présent, toujours intelligent et toujours supérieur. Je le dénonce à Grégoire xvi comme ayant dû dans son siècle se rendre coupable de nouveautés.

Après le pape, nous rencontrons parmi les adversaires de

  1. Lettres philosophiques. — De l’église et de la philosophie catholique. M. de La Mennais.