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POÈTES ET ROMANCIERS DE L’ITALIE.

comprend mal l’estime du petit-fils pour l’aïeul, celui-là étant sobre et ardent catholique, tandis que l’autre était un viveur tout imbu de la haine philosophique du xviiie siècle contre le christianisme, et qui, dans ses leçons d’économie, pauvre livre ! dit que les prêtres et les moines font tort à tous les enfans qu’ils n’ont pas mis au monde. Certes, ce ne sont pas là les idées de l’homme qui a célébré le cardinal Borromée et créé le père Cristoforo. Beccaria, revenant dans sa famille, serait bien dérouté.

Malgré la contradiction et l’antipathie des doctrines, Manzoni a poussé le culte de son aïeul jusqu’à hériter de ses inimitiés littéraires et privées, et parce que Parini n’aimait ni Verri, ni Beccaria, qu’il traite d’écrivassiers barbares, scrittoracci barbari, Manzoni ne fait nul cas de Parini. Il appelle son style un centon d’imitations gauches et d’indigeste érudition, et il va jusqu’à dire que si son poème du Jour ne fut pas puni, c’est qu’il ne fut pas compris. Toutefois, il est bon de remarquer ici que Verri et Beccaria étaient tenus par la haute société de Milan pour des apostats et des fous ; et quant au dernier, on fit courir le bruit, vrai ou faux, que, tandis qu’il combattait la torture la plume à la main, il y faisait appliquer un de ses valets soupçonné par lui d’un vol d’argenterie. Cela paraît peu probable, car, talent à part, Beccaria, tout attaché qu’il était à la table, était un bon homme.

Manzoni a passé une partie de son enfance au bord du lac de Côme, dans les lieux que plus tard il a décrits dans son roman ; il ne connaît guère d’autre nature ; il est peu voyageur. Sentant le besoin de colorer la dernière partie de son livre, il tenta en 1827 une course à pied dans les campagnes de Bergame ; il en revint fatigué et malade. Sa nature ne l’entraîne pas dans le monde extérieur, on sent en le lisant que c’est tout-à-fait un poète de cabinet.

Il fut élevé comme tout le monde, c’est-à-dire claquemuré dans un collége, et il se souvient en souriant de ces temps primitifs de la vie où les églogues de Virgile le faisaient soupirer pour ces champs d’où on l’avait arraché pour le garrotter avec ses jeunes compagnons d’exil sur les bancs enfumés de l’école. Rendez, rendez au grand air ces frémissantes victimes. Ne voyez-vous pas que la captivité leur est malsaine et qu’elles s’étiolent loin du soleil ?

Le jeune Manzoni s’appliqua d’une façon toute spéciale à l’étude