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pour les États-Unis, le Brésil et l’Amérique espagnole, pays qui nous sont ouverts tout comme à nos voisins, et 127,000 pour la Chine et les Indes. Aussi cette même année l’Angleterre a reçu de l’étranger plus de 17 millions de kilogrammes de laine, en a revendu plus de deux millions de la sienne en nature, sans compter un million de kilogrammes de laine filée.

En nous bornant toutefois à comparer des années correspondantes, nous voyons que l’Angleterre a exporté, en 1831 et 1832, moyennement 400,000 pièces de drap. À 20 yards par pièce et au prix de 5 à 6 shillings le yard, c’est une valeur en draperie de 55 millions de francs, c’est-à-dire plus de quatre fois ce que la France, qui se pique de bien fabriquer les draps, a exporté. C’est qu’il faut fabriquer pour les masses, pour le gros des consommateurs, et non pour l’exposition, pour la médaille d’or, ou pour les tailleurs de Paris. Le bon sens des fabricans anglais suffirait à les garder contre notre système de fausse gloire, si l’esprit d’innovation venait à essayer de naturaliser chez eux les expositions industrielles où chacun veut avoir son chef-d’œuvre, ainsi que les anciens artisans étaient tenus d’en faire en recevant la maîtrise. Les fabricans anglais en appelleraient des opinions du jury ou des grands de l’époque aux tableaux du commerce de leur pays ou du commerce des pays avec lesquels ils sont en rapport. Ils verraient, par exemple, dans les rapports faits au congrès des États-Unis, qu’en cumulant les deux années 1830-31 et 1831-32, que les fabriques de draps et de lainage y ont envoyé, l’Angleterre pour 8,668,000 dollars, et la France 1,197,000 dollars ; que dans ce calcul la première a 152,000 dollars de draperie, et la seconde 28,000 dollars seulement ; et ils seraient convaincus que c’est leur fabrication qui est dans la voie rationnelle.

Nous serions bien fâchés que notre ardeur pour la vérité pût être prise pour un désir de ne pas rendre justice à nos manufacturiers. Nous croyons qu’ils ont tort de ne pas demander eux-mêmes l’abolition des prohibitions par lesquelles ils supposent qu’ils sont défendus, et qui seraient remplacées par un droit de protection. Ils solliciteraient en même temps la suppression, qui ne pourrait leur être refusée, des entraves qui réduisent leurs produits à ne pouvoir sortir de France. En tout état de choses, nous reconnaissons qu’il y a amélioration dans leurs procédés et dans leurs produits.

Louviers, par exemple, conservant sa supériorité pour les beaux draps de couleur, soigne davantage ses apprêts et sa filature. Les draps légers et les draps noirs de Sedan exigent le choix le plus scrupuleux des laines supérieures de France et des laines de Saxe. Carcassonne, qui imite les draps noirs dans les qualités inférieures, est encore loin d’avoir adopté