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LETTRES D’UN VOYAGEUR.

et la partie intérieure du portique sont couvertes de mosaïques exécutées par des artistes grecs. Ces mosaïques, qui datent du XIe siècle, sont hideuses de dessin comme toutes celles de cette époque de décadence, mais remarquables de solidité. C’est de Venise que l’art de la mosaïque s’est répandu dans toute l’Italie, et ces fonds d’or, qui donnent un si grand relief aux figures et se conservent si intacts et si brillans sous la poussière des siècles, sont formés de petites plaques de verre doré, que l’on fabriquait à Murano, île voisine de celle-ci. Peu à peu l’art du dessin, perdu en Grèce, et retrouvé en Italie, s’appliqua à rectifier la mosaïque, et les dernières qui furent exécutées dans l’église Saint-Marc, par les frères Zuccati, furent dessinées par Titien.

L’abbé voulut nous persuader que les madones en mosaïque du xie siècle avaient un caractère austère et grandiose, où le sentiment de la foi parlait plus haut que la grâce poétique des beaux temps de la peinture. Il fallut bien avouer que dans ces grandes figures de type grec, dans ces yeux fendus, dans ces profils aquilins, il y a quelque chose de ferme et d’imposant comme les préceptes de la foi nouvelle. L’abbé en revint à sa fantaisie, tant soit peu païenne, de faire de la Vierge une allégorie religieuse. Il voulut en trouver la preuve dans les diverses expressions que ces figures révérées reçurent des grands artistes, et nous montrer dans chacun de leurs types favoris un reflet de leur ame. Titien avait, selon lui, révélé sa foi robuste et tranquille dans cette grande figure de Marie qui monte au ciel avec une attitude si forte et un regard si radieux, tandis que la nuée d’or s’entr’ouvre, et que Jehova s’avance pour la recevoir.

Raphaël et Corrège, amans et poètes, avaient répandu sur le front de leurs vierges une douceur plus mélancolique et une plus humaine tendresse pour la Divinité ; ce n’est pas le ciel seul qu’elles contemplent : c’est Jésus, Dieu d’amour et de pardon, qu’elles caressent saintement.

Enfin, Giambellino et Vivarini, les peintres aimés de Beppa, avaient confié au sourire de leurs madonettes la naïve jeunesse de leurs cœurs. — Ô Giambellino ! s’écria Beppa, que je t’aurais aimé ! que je me serais plu à tes puérilités charmantes ! comme j’aurais soigné ton chardonneret bien-aimé ! comme j’aurais écouté dans mes