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LE PRINCE.

qu’un seul homme pieux qui voyage et qui exhorte ? Le temps des patriarches n’est plus. Que les apôtres se lèvent, et qu’ils se fassent voir et entendre !

— Patience, patience, lui dis-je, les apôtres sont en route, ils vont par divers chemins et par petits groupes. Ils s’appellent de différens noms et se vêtissent de diverses couleurs. Les plus fervens peut-être, parce qu’ils ont été les plus éprouvés, entonnent maintenant sur les grèves de la mer Rouge, comme dans les noires cavernes de la montagne du Dauphiné, leurs simples et sublimes cantiques.


Dieu, Dieu ! vos enfans vous aiment,
Ils seront forts et patiens !


Qu’importent leurs divisions, leurs erreurs, leurs revers et leurs fautes ? Ils répondent avec calme : — Nous périrons, nous sommes des hommes. Mais les idées ne meurent pas, et celle que nous avons jetée dans le monde, nous survivra. Le monde nous traite de fous, l’ironie nous combat, et les huées du peuple nous poursuivent, les pierres et les injures pleuvent sur nous, les plus hideuses calomnies ont attristé nos cœurs ; la moitié de nos frères a fui épouvantée, la misère nous ronge. Chaque jour notre faible troupeau diminue, et peut-être pas un de nous ne restera-t-il debout pour saluer de loin les horizons de la terre promise. Mais nous avons semé dans l’univers intelligent une parole de vérité qui germera. Nous mourons calmes et satisfaits sur le sable du désert, comme ce peuple de Dieu qui couvrit de ses ossemens les plaines sans fin de l’Arabie, et dont la nouvelle génération arriva toute jeune aux vertes collines de Chanaan. — Sont-ce là des paroles de fou ? Et ce prêtre, qui tout seul, un matin, croisa les bras sur sa poitrine et debout, au milieu de sa prière, le front et les yeux levés vers le ciel, s’écria d’une voix forte : — Christ ! chaste amour ! saint orgueil ! patience ! courage ! liberté ! vertu ! — Étaient-ce là des paroles de prêtre ? Les murs de sa cellule en frémirent, et les anges émus dans le ciel s’écrièrent : Dieu puissant ! une flamme brillante vient de jaillir là bas de ce monde épuisé. Nous l’avons vue, et voici que l’éclair traverse l’immensité et vient mourir à tes