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LE PRINCE.

çonner l’approche. On tombe tout à coup dans un ravin hérissé de rochers et de forêts, dans des jardins royaux du milieu desquels s’élève un palais espagnol élégant et poétique, qui se mire du haut des rochers dans les eaux d’une rivière bleue. Il semble qu’on soit arrivé en rêve dans quelque pays enchanté, qui doit s’évanouir au réveil, et qui s’évanouit en effet au bout d’un quart d’heure, lorsqu’on traverse seulement le vallon et qu’on suit la route du midi. Les plaines sans fin, les bruyères jaunes, les horizons plats et nus reparaissent. Ce qu’on vient de voir semble impossible et imaginaire.

Nous suivions le sentier qui mène aux grottes. Les peupliers de la rivière prolongeaient jusque sur nous leurs ombres grêles et démesurées. Les biches fuyaient à notre approche. Nous arrivâmes à ces carrières abandonnées, qui s’encadrent dans la plus riche verdure, et dont les profondeurs offrent une décoration vraiment théâtrale. — Entre sous cette voûte sonore, me dit mon ami, et chante-moi ton Gloria. J’irai m’asseoir là-bas pour entendre l’écho.

Je fis ce qu’il demandait, et, quand j’eus fini, il revint à moi en répétant les paroles naïves du cantique :

Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne intention !

— Tu vois bien, lui dis-je, le cantique ne dit point : Gloire sur la terre aux hommes de savoir ou d’intelligence. Le repos est le plus précieux bienfait que Dieu ait à nous accorder ; Dieu seul peut porter dignement le fardeau de la gloire, et les hommes simples qui veulent le bien, sont plus grands devant lui que les grands hommes qui font le mal.


George Sand.