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Et cependant, pour être si superbe et si vaste, qu’est-ce que Constantinople ? Le germe d’une ville, plus vaste et plus superbe encore qui déjà s’en échappe. La cité de Constantin et de Mahomet ii était surtout une position militaire, la capitale d’un empire armé. Mais du jour où les Génois arrachèrent à la faiblesse des Césars grecs la permission de coloniser sur l’autre rive du port, en face de la ville, Galata ; du jour où les chrétiens, moyennant leurs capitulations, purent s’établir avantageusement en Turquie, Constantinople sortit de ses murailles ; elle commença à s’établir sur les bords européens du Bosphore. L’activité des négocians francs et de leur clientelle grecque, juive, arménienne, s’empara de ces positions, et bientôt Galata et Péra, à droite et à gauche, donnèrent la main à tous ces bourgs, auparavant épars, qui, aujourd’hui, se continuent dans l’intérieur du port et sur les rivages extérieurs. Sur ces rivages, soit d’Europe, soit d’Asie, les sultans eux-mêmes construisirent d’abord leurs maisons de plaisance : enfin, Mahmoud fixa la résidence impériale dans les diverses habitations dont il les a embellis, et, à cette heure, le vieux sérail, ce Louvre des empereurs ottomans, n’est plus pour lui qu’un pied-à-terre à Stamboul. Mahmoud a cassé le janissariat, et avec cette milice il a aussi cassé Stamboul. Stamboul est l’antique citadelle, la place d’armes, la forteresse : mais la ville ! elle court aujourd’hui le long du Bosphore ; déjà presque elle remonte jusqu’à Thérapia et à Buguckdéré. La ville sainte, la ville musulmane, la ville privilégiée est désertée par le commerce et par la réforme. Les comptoirs, les bazars, les palais, les casernes se transportent ailleurs ; et Stamboul est en pleine disgrâce. Il y a plaisir à observer cette transformation qui s’opère dans une capitale comme dans ses habitans, et on se laisse aisément récréer à ce spectacle d’une cité nouvelle, s’épanouissant dans l’enceinte de la vieille cité, pour prendre l’essor à travers champs et collines ; et la fête contribue à hâter cette émigration. La fête a lieu à Dolmabaktzé, sur les rives du Bosphore ; et Stamboul se voit comme exclue de cette solennité. La population la délaisse pour se transporter là où est le mouvement, le bruit, l’éclat : Stamboul, solitaire durant le jour, la nuit reste dans l’ombre ; elle ne concourt à l’illumination que par l’une des faces du sérail ; tout le reste demeure éclipsé. Et,