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UNE NOCE À CONSTANTINOPLE.

en effet, le Bosphore est le canal, le fleuve, la rue-mère de la ville. Et ce canal, dans toute sa longueur, est une rade sûre, se repliant en ports et en anses, où presque partout les bâtimens peuvent mouiller bord à bord. Aimez-vous à rêver ? Des deux côtés du canal, construisons des quais immenses, chargés d’arsenaux, de fabriques, de magasins, de docks, de bourses, de cafés, de fontaines ; sur le penchant des collines, bâtissons des maisons avec leurs cours, leurs jardins, leurs terrasses parfumées de fleurs, d’enfans et de femmes ; disposons régulièrement les retraites silencieuses de l’étude et de la méditation, les bibliothèques, les écoles, les observatoires ; quartier paisible de la science qui repose au-dessus du vaste et bruyant quartier de l’industrie, et remonte vers les inspirations de l’art. Le jour, quelle activité, quel travail le long des quais, dans tous ces ports, parmi tous ces ateliers ! Le soir, quels plaisirs élégans, quels repos voluptueux ! Que de jets de lumières se renvoient les deux rives, capables de faire pâlir par leur splendeur accoutumée l’illumination extraordinaire du moment ! Centre immense où viendront aboutir toutes les richesses de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique pour s’échanger entre elles et se distribuer, suivant les besoins de chaque contrée, y aura-t-il pour cette nouvelle Constantinople trop de magnificence ? Est-il d’ailleurs une position plus propre à inspirer le génie des artistes ? Mais qu’il soit grand, plus grand que Michel-Ange, l’architecte qui voudra asseoir sur les deux rives du Bosphore une ville asiatico-européenne, dont la mer de Marmara et les Dardanelles, peuplées de villes, de fabriques, de femmes, seront les avenues et les faubourgs, qui devra bâtir deux grandes cités unies en un couple magnifique, dont l’une semblera tenir dans sa main le globe naissant du soleil, et l’autre le recevoir dans la sienne, déclinant et empourpré ! Et quelle fête, lorsque la grande ville voudra se réjouir, et qu’elle mettra au vent toutes ses lumières, toutes ses harmonies, toutes ses gloires, et que ses populations et ses collines, parées de mille couleurs, formeront ensemble un chœur immense, trépignant de joie et d’enthousiasme !

Retournons à la fête. Jamais peut-être il n’y eut, sur les rives du Bosphore ou à Constantinople, une réunion aussi nombreuse