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l’immense idée de faire concourir les illustrations scientifiques à la formation des grands pouvoirs de l’état, il est peut-être une considération à faire qui tient à l’histoire des hommes scientifiques jetés dans les grandes affaires : presque tous ont été ministériels. Dans nos temps agités (j’en excepte M. Arago), tous ne servent-ils pas le pouvoir ? Vous avez suivi la vie de Cuvier, voyez en Angleterre Gibbon, Goldsmith : sous l’empire, Berthollet, Chaptal ; il n’y eut jamais parmi ces hommes la moindre velléité d’opposition au pouvoir ; ils s’enveloppaient dans leur science comme d’un bouclier invulnérable contre la satire politique. Il y a dans les études scientifiques un je ne sais quoi qui fait prendre en dédain toute l’activité qui ne vient pas d’elles. L’opposition est un dérangement, c’est une vie de tourmens et d’excitations ; on préfère la paisible jouissance des distractions et des profits de la vie ministérielle. Quand la science vieillit, elle a besoin de quelques commodités, elle a des enfans à placer, des parens dont elle soigne l’avenir ; souvent l’avarice s’en mêle, et comme on acquiert la popularité par les fortes et grandes études, on ne recherche pas l’autre par la tribune. Ceci vous explique comment le banc scientifique vote constamment avec le ministère dans la chambre des pairs.


Banc militaire. — Je me suis déjà expliqué sur le parti des généraux dans la chambre des députés. Il y a là tendance à l’arbitraire. Comment résumer cette opinion des généraux à la chambre des pairs, vétérans fatigués de batailles et de campagnes ? L’ambition ne les trouble plus, il est vrai ; les maréchaux, débris de l’empire, ces monumens vivans de grandes journées, n’ont plus rien à désirer pour leur gloire ni pour leur fortune. Quelques-uns, tels qu’Oudinot, boudent encore la révolution ; mais Macdonald, Molitor, Mortier, s’y sont associés de bon cœur, et au bout de leur carrière ils secondent encore le pouvoir de tous leurs moyens. Pourtant ici il y a de la modération, et le ministérialisme ne s’empreint pas de cette couleur de vengeance et de répression furieuse qui caractérise, par exemple, le général Bugeaud à la chambre des députés. On seconde le pouvoir, mais on le fait avec calme ; on ne se fanatise pas pour un système, pour une couronne même, jusqu’à ce point de méconnaître les lois générales de la société et de la morale politique ; on garde pour tout les convenances. Il y a bien une coterie qui voudrait introduire sur le banc militaire ces formes du sabre et de la violence, mais le général Dutailly reste seul et n’est point écouté ; il n’est pas compris par la chambre dont il méconnaît les traditions et les habitudes parlementaires.


Banc administratif. — Il y a peu de fonctionnaires dans la chambre des pairs ; mais il y a des administrateurs, c’est-à-dire des hommes dont