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soutenables, que les degrés de mes escaliers s’usent sous les pieds de mes visiteurs, comme le pavé du Capitole s’est usé sous la roue des chars triomphaux. Je ne sais si Rome ancienne ou moderne a vu un mélange pareil de toutes les nations et de tous les langages ; chez moi accourent Turcs, Indiens, Français, Juifs, Espagnols ; quant aux Italiens, ils sont innombrables, et pour le commun peuple je n’en parle pas ; c’est une foule qui ne peut se compter ! Il serait plus facile de trouver une mer sans rivages, que l’Arétin sans satellites, sans prêtres, sans étudians, sans moines, sans adorateurs autour de lui. Voilà ce que c’est que d’être devenu l’oracle de la vérité, le secrétaire du monde. Tel vient me raconter ses griefs contre un prélat, et tel autre ses accusations contre un seigneur ; c’est à n’en pas finir. Quand cette affluence m’ennuie trop, je m’enfuis aussitôt après avoir déjeuné ; je me réfugie chez Titien, chez quelque autre de mes amis ; ou je vais passer mon temps, cher seigneur, dans la chambre de quelques-unes de mes pauvres petites amies qui sont charmées de me recevoir. »

Vous vous étiez fait une idée de sa richesse et de son luxe. Jugez de son impudence, par les paroles que je lui emprunte, et qu’il n’a pas seulement prononcées, mais écrites à loisir. Il va vous entretenir des princes ses tributaires, de l’espoir qu’il a de devenir cardinal, de la rapidité avec laquelle il compose, de sa guerre contre

    Nè mi credo, che Roma per via di parlare vedesse mai si gran mescolanza di nazioni, com’è quella che mi capita in casa. A me vengono Turchi, Giudei, Indiani, Francesi, Tedeschi, e Spagnuoli. Or, pensate ciò, che fanno i nostri Italiani. Del popol minuto dico nulla ; perciocchè è più facile di tor voi dalla divozione imperiale (parla col celebre Francesco alunno), che vedermi senza frati, e senza preti intorno ; per la qual cosa mi par esser diventato l’oracola della verità, da chè ognuno mi viene a contare il torto fattogli dal tal principe, e dal cotal prelato : ond’ io sono il segretario del monde. » (Lettere dell’ Aretino, t. 1, f. 206.)

    Une autre fois il écrit à Marcolino :

    « Talmente è infinita la moltitudine che di continuo mi visita, che per il fastidio che ormai ne sento, tosto che io ho desinato, me ne fuggo a casa vostra, o da M. Titiano, o a spassarmi la mattina nelle celle d’alcune poverine, che toccano il cielo col dito nella limosina di que’ parecchj soldi, o di que’ pochi che tuttavia porgo loro. » (Lettere, t. 3, f. 72.)