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REVUE DES DEUX MONDES.

Achille della Volta. Cette rivalité le fâcha. Il se servit de ses armes ordinaires, et lança un sonnet outrageant contre Achille et la cuisinière. Un soir, comme il se promenait sur les bords du Tibre, cinq coups de poignard lui percent la poitrine et lui estropient les deux mains. Il se sauve, voit une barque sur le rivage, y met le pied, la détache ; et le favori de François Ier et de Jean de Médicis, victime de ses amours avec la cuisinière, échappe tout sanglant à la mort dont le menace encore Achille della Volta.

C’est un peu ignoble ; mais ce n’est pas tout. Il demande justice. Giberti, le maître de cette Hélène de cuisine, la lui refuse. Fort de l’amitié d’un Médicis, il s’emporte, accuse Clément vii et ses ministres, écrit sonnets sur sonnets, injures sur injures, sert de risée à Pasquin et à Marforio, et lit sa propre épitaphe, assez insultante, affichée sur les murs de Rome, où son nom était déjà célèbre. Sa verve s’allume ; il redouble d’invectives. Berni, secrétaire de Giberti, Berni, qui a eu du génie et de l’esprit de temps en temps, lui répond par une kyrielle d’invectives rimées, dont la traduction ne pourrait être bien faite qu’en argot des halles : il l’appelle immonde, porc, chien, monstre, lui reproche la mauvaise vie de ses deux sœurs d’Arezzo, et lui prédit qu’il mourra sous le poignard ou le bâton. Il ne se doute pas qu’il fonde la fortune de celui qu’il méprise. Le sonnet se répand en Italie et fait à l’Arétin une sorte de gloire cynique dont il est fort avide et qu’il exploite. On peut se donner le plaisir de lire dans la note ce petit modèle de gracieuse éloquence, auquel l’énergie des synonymes et des augmentatifs italiens prête un accent d’inimitable colère[1],

  1. Rime del Berni.

    « Tu ne dirai, e farai tante, e tante,
    Lingua fracida, marcida, et senza sale,
    Che alfin si troverà pur un pugnale
    Miglior di quel d’Achille, e più calzante.
    Il papa è papa, e tu sei un furfante,
    Nudrito del pan d’altrui, e del dir male ;
    Un piè hai in bordello, e l’altro nello spedale :
    Storpiataccio, ignorante, ed arrogante
    ,