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scientifiques au système restrictif, a été le signal d’une opposition plus vive que jamais contre ce système. C’est alors que les commissions commerciales du Hâvre et de Bordeaux ont publié leurs protestations si animées, si raisonnées, premiers exemples d’actes d’opposition du commerce. C’est alors que l’on a vu les cinq cent huit premières maisons de Bordeaux déclarer ;

« Que le projet de loi de M. Thiers, négation de tous les principes et de tous les systèmes, au lieu de rendre les intérêts matériels à la liberté, les soumet à l’arbitraire le plus absolu, en érigeant en économie publique l’empirisme le plus aveugle…

« Que, sans égard pour l’égale répartition des charges, que garantit la constitution, et qui oblige le gouvernement à donner la même assistance ou la même liberté à chaque industrie, le projet manifeste des préférences, constitue des distinctions, maintient des priviléges, en vouant quelques industries à des travaux infructueux, et même à une ruine inévitable, afin d’assurer la prospérité et ce qu’il appelle les conquêtes de certaines autres industries…

« Qu’une pareille économie politique est d’autant plus désespérante qu’elle ne laisse pas apercevoir l’époque où elle cessera d’exiger des sacrifices aussi pénibles ; car, suivant elle, le progrès industriel ne s’obtenant que par les prohibitions, elle ne pourra les lever que lorsque les produits protégés auront atteint un tel degré de perfection qu’ils n’auront rien à redouter de l’introduction sur nos marchés des produits similaires de l’étranger ; qu’espérer une pareille situation pour certaines industries, c’est supposer à peu près l’impossible, puisque les nations rivales que nous excluons aujourd’hui, continuant à développer des ressources naturelles, nous laisseront toujours en arrière de leurs progrès, nous qui ne pouvons mettre en œuvre que des moyens factices… »

Après avoir ainsi sapé sur toutes ses faces le projet de loi ministériel, les signataires de la protestation, c’est-à-dire la place entière de Bordeaux, déclaraient :

« Que si le projet de loi venait à être promulgué comme loi de l’état, ils s’engageaient à poursuivre sa révision devant la prochaine législature avec l’énergie et la persévérance qu’inspire le bon droit. »

Le Hâvre, dans un travail signé par le commerce entier de cette ville, moins quatre à cinq noms, adhérait pleinement à la protestation de Bordeaux ; il ne repoussait, ni avec moins d’énergie ni avec moins de logique, et les prétentions théoriques, et les erreurs pratiques du travail de M. Thiers, et surtout cette assertion que l’industrie ne peut naître ou se développer qu’à l’abri des tarifs et des lignes de douanes.