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DE LA RÉFORME COMMERCIALE.

Qui ignore aujourd’hui, disait la commission,

« Que la France est débordée depuis quelques années dans son industrie d’étoffes de soie et de coton par divers pays (la Suisse, la Prusse, la Saxe), qui n’ont jamais, dans ces branches, été protégés, les uns par aucun droit, les autres que par des droits très faibles ;

« Que, malgré toutes les entraves imposées au transit, des quantités assez considérables de tissus de soie et de coton arrivent journellement de ces pays au Hâvre, pour y être embarquées pour les divers marchés d’outre-mer, où ils vont faire concurrence aux marchandises anglaises ou françaises de même espèce ;

« Que la Belgique, qui, lorsqu’elle faisait partie de la France, était, pour la fabrication des cotonnades, protégée par le régime prohibitif, a, peu de temps après avoir passé sous la domination de la Hollande, soutenu, dans cette fabrication, la concurrence des manufactures anglaises, sous des droits très modérés, et qu’aujourd’hui même qu’elle est séparée de la Hollande, et qu’elle a perdu, par cet événement, les avantages qu’elle avait dans ses relations privilégiées avec les colonies hollandaises, elle n’en poursuit pas moins avec succès cette branche d’industrie. »

Ces protestations, les adhésions de plusieurs autres places de commerce et de fabrique, l’unanimité de toute la presse indépendante, le mouvement non douteux de l’opinion publique, ne pouvaient rester sans effet ; et l’on vit la commission de la chambre des députés, chargée de l’examen du projet de loi, refuser son concours aux doctrines et aux plans de M. Thiers. J’ai dit plus haut sa réponse aux terreurs du ministre relativement à une baisse du droit sur les charbons étrangers. L’ensemble du rapport indique, bien qu’avec une grande timidité, la répulsion décidée de la commission pour ce vieux et faux système, dont l’incontestable talent du ministre ne pouvait, à ses yeux, dissimuler le vide et la stérilité ; sans accueillir l’avis de la minorité, dont j’ai plus haut donné l’extrait, la commission, en définitive, déclarait que tous ses efforts avaient été consacrés à préparer les voies à une liberté progressive.

Son rapport contient une preuve digne de remarque de l’hésitation de la majorité, et de l’opposition de la minorité relativement aux restrictions commerciales ; le ministre demandait un accroissement de tarif protecteur pour les fils de lins : la majorité cédant à la minorité a admis, qu’il était utile de soumettre à un essai le principe de la libre concurrence, et de vider par l’expérience la lutte qui existe entre les deux systèmes d’économie politique. » En conséquence la commission n’accordait que le quart de l’augmentation proposée par M. Thiers.