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ressources et des fabricans et des ouvriers, arrête souvent des esprits qui ne sont pas cependant sans énergie, mais que la pensée d’un mal présent, fût-il même léger, détourne d’une voie utile pour le plus grand nombre.

Cette sollicitude est louable, mais à la condition seulement de ne pas dégénérer en faiblesse ; elle mériterait même un autre nom, si elle aboutissait à conseiller le statu quo. S’il est certain, en effet, que les améliorations successives dont l’ensemble doit composer la réforme commerciale, ne peuvent s’accomplir sans quelques froissemens, sans quelques plaintes, l’état de choses actuel ne compte certes pas, parmi les priviléges sur lesquels il est fondé, celui d’être exempt de troubles et de maux. — Mais égalent-ils ceux qu’entraînerait la réforme commerciale ?

Je vais un moment supposer que tout ce qui précède ne résout pas cette question ; oublions toutes les preuves que l’expérience et la raison nous ont apportées en réponse, si variées et si décisives. Nous avons demandé de ces preuves aux peuples qui nous précèdent dans la voie de la réforme, ou aux économistes, ou à nos ports de mer, ou à notre première ville de fabrique ; oublions-les aussi. Pour les partisans du système restrictif, ces argumens sont tous d’ailleurs de mauvais aloi ; gens de politique profonde, ils ne sont pas dupes, on le sait, de l’Angleterre ; tous les faits tirés de là, quels qu’ils soient, sont par eux jugés d’un mot : C’est un piège. Quant aux États-Unis, un peuple républicain n’a rien à leur enseigner. La Suisse sera mise hors de cause pour la même raison sans doute ; la Saxe, comme un petit état qui n’a rien à apprendre à une grande puissance ; le régime colonial de l’Espagne, comme l’erreur d’un pays mal gouverné ; les enseignemens de l’économie politique, comme les aberrations d’une science qui n’est pas fixée ; les plaintes de Bordeaux, du Hâvre, de tous nos ports de mer, comme les égoïstes exigences de négocians avides et mauvais Français ; enfin, les efforts de Lyon pour la réforme commerciale, et ses premiers succès en ce qui concerne les soies, comme une exception.

Nous ferons donc tous ces sacrifices à l’opinion de messieurs les prohibitionnistes. La réforme commerciale demeurera-t-elle par là désarmée devant eux ? En vérité, non ; ses plus décisifs argumens lui resteront encore, et ceux-là sans doute ne paraîtront pas à ses adversaires d’aussi peu de poids et de valeur ; ils se sont chargés eux-mêmes de les leur fournir ; c’est à leurs plus récens écrits que nous allons les demander.

La circulaire du ministre du commerce, faisant connaître sa volonté d’ouvrir une enquête, afin de s’assurer si les prohibitions qui restent dans notre tarif de douanes peuvent être remplacées par des droits protecteurs, a soulevé d’orageuses récriminations. Depuis quelques jours, ce ne sont