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L’ARÉTIN.

chaîne qui ait jamais asservi un cœur d’homme ! La voilà dissipée, cette illusion qui, pendant cinq années, m’a contraint à l’adorer ! Est-il possible que je l’aie aimée et qu’elle n’ait pas cessé de payer de haine cet indigne et fatal amour ! Je voyais bien que mon idole était trompeuse ; mais je savais qu’en essayant d’étouffer et de violenter mon penchant, je ne réussirais pas mieux que ceux dont les mains imprudentes essaient de courber les branches des jeunes arbres, toujours prêtes à se redresser vers leur cime. Peut-on aimer ou désaimer à sa guise ? Aujourd’hui même, je le sens, mon ame privée de ce qu’elle chérissait est comme une contrée livrée au pillage, toute couverte de ruines et qui n’a plus que des larmes[1] ! » Que cet accent est vrai ! jamais l’auteur de tant de mauvais livres, qui passaient pour divins, n’écrivit une seconde page semblable !


Soit que Perina Riccia ait été délaissée à son tour, ou que le remords l’ait ramenée auprès de l’Arétin, on la retrouve encore chez lui trois ans après sa fuite. Il l’aime toujours malgré ses fautes, en dépit des résolutions qu’il a prises : il la soigne encore ; elle retombe malade ; la lésion organique des poumons va la conduire à la mort ; il lui rend les mêmes soins qu’elle avait payés d’ingratitude ; il la veille, « gisante dans son lit, comme un cadavre dans le sépulcre[2]. » Il écrit à sa mère : « L’ho amata, l’amo e l’amero, fin chè la sententia del di novissimo giudicherà le vanità nostrè[3]. » Il assiste à une agonie qui se prolonge ; « c’est, dit-

  1. Rallegrativi meco, da che io mi son’ discosto de la piu vil’ catena, che mai legasse affetto di core humano : e se non che nell’ errore che cinque anni mi ha sforzato ad adorarla, etc., etc.

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    Gran’ causa che una si fatta femina habbia di continua atteso ad accrescermi tanto piu d’odio quanto tuttavia si è piu accorta, che io le accrescevo di benivolenza, etc

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    Certo è che il poter disamare a sua posta, non e in arbitrio di chi ama e benche gli andari d’amore siano oltra modo perfidi, bisogna starci ; peroche un petto depredato dal viso et da gli occhi de la cosa amata, simile a una terra offerta a la licentia, et a la crudeltà dei nimici, etc., etc.

  2. T. 3, 187. Lettre au médecin Helia.
  3. id. ib. 188.