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méthode par la biographie de ses élèves, M. Paulmier aurait dû songer à la perfectionner en l’appuyant sur les véritables notions de l’entendement humain.

Si ce livre ne contenait deux tableaux synoptiques et deux planches de signes gravés, nous aurions peut-être douté que l’intention de M. Paulmier, en le publiant, fût digne de ses fonctions. Il nous paraît effectivement avoir été inspiré bien moins par la méditation et par un dessein grave, que par l’envie de recueillir en un volume les manifestes auxquels M. Paulmier confie assez fréquemment l’emploi de rappeler au public sa qualité d’instituteur des sourds-muets. C’est que vous visiterez l’établissement de la rue Saint-Jacques du haut jusqu’au bas, sans avoir jamais affaire à M. Paulmier, et sans qu’on vous parle de lui. Les élèves que vous interrogerez, écriront bien vite sur leur cahier l’éloge de M. Itard, leur médecin, dont l’ingénieuse patience a donné la parole à quelques-uns d’entre eux, l’éloge du professeur Bébian que l’administration tient en disgrâce, peut-être même l’éloge de M. Ordinaire, directeur de l’établissement. Jamais on ne vous saura dire à quoi sert M. Paulmier, instituteur des sourds-muets. Et si vous demandez ce qu’il est, on vous répondra qu’il est élève de l’abbé Sicard. Ensuite vous pourrez lire la préface que M. Paulmier a mise à la troisième édition de son livre ; vous y verrez que l’auteur « croit pouvoir dire, sans blesser la modestie, qu’il a eu quelques succès littéraires. » Pour croire un mot de cela, vous vous souvenez trop bien de n’avoir pas lu, dans le livre des Cent-et-Un, la description d’une Séance des sourds-muets de naissance, signée Paulmier, instituteur des sourds-muets, élève de l’abbé Sicard depuis trente ans.

Aurons-nous bientôt fini avec ces livres qui côtoient péniblement la science, sans y aborder jamais, qui ont des passions littéraires pour la psycologie, et qui émiettent le sensualisme de Condillac ? Aurons-nous bientôt fini avec ces mélanges d’analyses arides et de banalités anecdotiques ? Aurons-nous bientôt fini avec la philosophie tempérée ? Il serait temps en effet que le mouvement encyclopédique de recomposition, qui se fait au cœur de la société, commençât à marquer ses oscillations à toutes les extrémités de la connaissance actuelle, et que les généralisations nouvelles transmissent leur vie à tous les détails de la science. Serait-ce donc en vain que les penseurs hardis souffriraient le martyre de la tristesse et de l’ironie ? La rénovation, qui éclate par les génies les plus profonds, n’aboutirait-elle qu’à déchirer les entrailles qui la portent ? Non, les audaces de la pensée moderne ne seront pas perdues ; rarement nous trouverons à balayer sur notre seuil de ces débris ignorans des anciennes ido-