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REVUE LITTÉRAIRE.

lâtries. Au contraire, les inspirations de l’esprit nouveau et les imitations de ses chefs-d’œuvre viennent en foule s’y offrir.


La régénération tentée par M. de La Mennais au nom de la doctrine ésotérique du christianisme, est, sans contredit, une des pensées les plus grandes et les plus parfaitement synthétiques de ce siècle-ci. On a déjà apprécié dans la Revue la haute portée de ce prêtre démocrate ; on a foudroyé ses adversaires éloquemment. Mais si son enthousiasme, soudainement emporté, a rencontré des résistances, il a éveillé aussi par toute l’Europe des échos sympathiques dont le bruit n’est pas encore apaisé.

La ville de Lyon, dont le sac avait ensanglanté les rêves du Croyant, et remué jusqu’au fond son ardente charité, lui a renvoyé, la première, une salutation digne de lui. M. Jules Favre[1] a résumé, au milieu des douleurs de son pays, ce que M. de La Mennais leur apportait de consolations ; il maudit la brutalité de la force avec une énergie que soutiennent d’effroyables souvenirs. Le mal que les systèmes ont causé à sa patrie lui fait envier pour l’œuvre de notre rédemption politique un secours plus puissant que celui des idées. L’amour, dit-il, vaut mieux que l’intelligence. Puis son imagination s’exalte encore ; il ajoute : « Les philosophes, troublés, n’ont plus que des paroles vagues et creuses, et prophétisent un avenir dont ils n’ont pas la première idée. » Alors il tombe aux pieds de la Charité, et demande à cette fille de Dieu le bonheur que les fils des hommes sont impuissans à organiser. L’incendie de Lyon a été trop horrible assurément pour que nous ayons sitôt oublié ce désastre et la dureté impitoyable du pouvoir. Nous savons bien que la miséricorde est absente de certaines ames, et que la mansuétude a encore besoin d’apôtres. Mais enfin, est-ce la charité qui résoudra les problèmes posés par les massacres de Lyon, ou bien est-ce la justice ? Et quelle force le cœur humain trouverait-il dans ses tendresses, s’il dédaignait les lumières de l’esprit ? M. Jules Favre a montré déjà, au barreau, un don trop puissant d’âpreté véhémente, pour que nous ayons le droit d’exiger de lui une rigueur incompatible peut-être avec les mélancolies de son tempérament.


Il nous est venu de Nancy un pamphlet plus leste, ayant une fronde plus joyeuse et un épanouissement plus libre. Le Sceptique moderne[2] a vu le désir ardent de foi que le siècle n’a pu encore satisfaire ; il se

  1. Anathème. Lyon, chez Babeuf.
  2. Le Sceptique moderne, 1 vol. in-8o ; Paris, Chamerot.