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possession a de timoré, d’intolérant, peut-être même de juste ; mais nous ne savons pas quelle simplicité rustique se laisserait prendre à l’artifice d’une logique si naïve.

Ce qui perce de démocratique dans l’enseignement de ces contes étonne d’autant plus, que l’aristocratie y a toujours la dernière parole, pose les questions et les résout. Aussi l’on cherche toujours une hypocrisie dans ses discours, et, lorsqu’à la fin elle propose la liberté du commerce du blé, comme la seule concession qu’elle puisse faire, on est tenté d’y voir bien moins un moyen de mettre le pain à bon marché, qu’un désir du monopole de la richesse, et une espérance nouvelle d’exploitation. Du reste, ce livre contient sur la question politique des expressions hardies, qui sembleraient encourager les progrès de la liberté plus que ceux du bien-être. Ces distinctions pourraient devenir fort inutiles, si une révolution importante s’accomplissait en Angleterre. Le paupérisme y est trop considérable pour qu’il n’entraîne pas les solutions économiques dans les insurrections populaires.


Mistress Trollope a promené, l’année dernière, ses ironies aristocratiques en Belgique et dans l’ouest de l’Allemagne[1], comme elle avait fait auparavant en Amérique. Elle avait usé suffisamment son aversion de la démocratie ; elle avait assez ridiculisé les essais de la liberté moderne. Elle est devenue moins gaie et moins satirique ; mais elle a perdu aussi un peu de son esprit, en perdant ses dédains. Son voyage des bords du Rhin est un excellent indicateur. Il enseigne fort scrupuleusement le nom et le prix des auberges. Si jamais vous avez affaire en Flandres et dans les provinces rhénanes, emportez le livre de mistress Trollope et un bonnet de soie.

Les voyages que fait le torysme anglais sont, malgré tout, plus amusans que ceux entrepris par le légitimisme français. Ils ont dans le récit une gravité moqueuse qui déguise la naïveté de tous les étonnemens. Il semble que les royaumes du continent soient les provinces de la Grande-Bretagne ; ces impassibles voyageurs anglais les visitent avec l’autorité du commandement. Mistress Trollope nous annonce en finissant qu’elle est contente de sa province d’Allemagne, « qui instruit le peuple, et ne permet ni à l’ignorance, ni à l’esprit de désordre, de bannir du pays la sage discipline, source d’une constante prospérité. » Nous serions tentés, mis-

  1. Belgium and western Germany, chez Baudry, rue du Coq. La traduction de ce livre a paru chez Fournier.