Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/417

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
413
LOUIS xiii ET RICHELIEU.

cependant ordre à tout avec la plus grande présence d’esprit, et la tranquillité d’un homme qui, dans son cabinet, raisonne sur un plan de ce qu’il faut faire. Mon père, qui eut l’honneur de ne quitter pas ses côtés d’un instant, ne parloit jamais de cette action de son maître qu’avec la plus grande admiration.

« Après la bataille eut lieu l’entrevue du Roy et du duc de Savoie. Le Roy demeura à cheval, ne fit pas seulement mine d’en vouloir descendre, et ne fit que porter la main au chapeau. Monsieur de Savoie aborda à pied de plus de dix pas, mit un genou en terre, embrassa la botte du Roy qui le laissa faire, sans le moindre semblant de l’en empêcher. Ce fut en cette posture que ce fier Charles-Emmanuel fit son compliment. Le Roy, sans se découvrir, répondit majestueusement et courtement.

« Lorsque, sous le règne suivant, le doge de Gènes vint en France faire ses soumissions au Roy (Louis xiv), après le bombardement, le bruit qu’on en fit m’impatienta par rapport à Louis xiii, et au fait que je viens d’expliquer : tellement que, dès-lors, je résolus d’en avoir un tableau, que j’ai exécuté depuis, ayant eu soin de me faire de tems en tems raconter cette entrevue par mon père, pour me mieux assurer des faits. Monsieur Phelippeaux, lors ambassadeur à Turin, m’envoya un portrait de Charles-Emmanuel. Le sieur Coypel me fit ce tableau tel que je luy fis croquer pour la situation du Roy et du duc de Savoie, et il eut soin d’y rendre parfaitement le paysage du lieu, et les barricades forcées en éloignement. Ce tableau, qui est fort grand, tient toute sa cheminée de la salle de La Ferté avec les ornements assortissants. C’est un fort beau morceau qui a une inscription convenable, avec la date de l’action, courte, mais pleine et latine. »


L’année suivante, il y eut rupture et reprise d’hostilités. On soupçonna Richelieu de les avoir provoquées pour soustraire le roi aux cabales d’une cour oisive, aux obsessions de deux reines, qui flétrissaient dans l’intrigue leur influence d’épouse et de mère. Louis rejoignit l’armée. L’épidémie ne l’épargna pas cette fois. On fut obligé de le transporter à Lyon, dans un état alarmant. À cette nouvelle accoururent de Paris Marie de Médicis et Anne d’Autriche, Elles ne quittèrent pas le lit du mourant, mais pour en écarter les