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grande vigilance à observer ceux qu’il faut craindre ; n’épargnant pour les ramener ni concessions, ni trésors, ni caresses ; mais acharné à les poursuivre, s’il les trouve inconciliables. Richelieu eut au reste un rare bonheur : sa cause fut toujours celle de la nation. En livrant au bourreau ceux qui lui faisaient ombrage, il a souvent coupé court à la guerre civile, ou dissipé l’invasion étrangère. N’étaient-ils pas coupables ceux qui armaient le duc de Bouillon sur la frontière du nord et ouvraient le midi aux Espagnols ? Si on peut sympathiser avec Cinq-Mars et de Thou, ce n’est que dans le drame justement célèbre d’un poète contemporain.


Pendant que la reine Médicis demandait à ses devins si le Cardinal ne possédait pas quelque charme pour se faire aimer, et si on ne pourrait pas l’entamer par quelque bon coup d’arquebusade, Richelieu écrivait à son frère aîné la lettre qui suit[1] :


À MONSIEUR LE CARDINAL DE LYON.

« C’est avec un sanglant et indicible regret que je vous donne avis du conseil que le Roy s’est trouvé obligé de prendre à Compiègne, de supplier la Reyne sa mère d’aller pour quelque temps demeurer à Moulins. Je voudrois avoir pu racheter de mon sang la nécessité de ce conseil, et m’estre veu séparé de ma vie plutôt que de voir cette séparation, quoiqu’elle doive estre de petite durée[2] ; et s’il eust plu à Dieu me faire la grâce d’exaucer mes très humbles prières, le dernier de mes jours eust précédé celuy de cet éloignement, duquel je ne me puis véritablement consoler, en l’excès de l’affliction que je reçois de voir la Reyne, que j’ai tou-

  1. Elle est extraite, ainsi que les suivantes, d’un recueil manuscrit de pièces sur le règne de Louis xiii. Le Cardinal écrivait beaucoup, et on a conservé plusieurs recueils inédits de ses lettres familières. Sa correspondance imprimée n’est qu’une collection de dépêches relatives aux affaires générales.
  2. Courte durée !… douze ans ! Marie, reléguée à Compiègne, chercha à s’introduire à La Capelle, place forte, dont elle voulait faire un centre d’opérations. Mais, n’ayant pas réussi, elle se jeta dans les Pays-Bas, pour ne revoir jamais la France.