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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

voir pâlir ou sommeiller une popularité comme la sienne, si laborieusement acquise, et qui semble présager de si hautes destinées ; mais patience, l’avenir n’est pas fermé. Les poètes qu’elle a si puissamment secourus, ne sauraient lui manquer sans ingratitude ; ils perdraient en elle un auxiliaire impossible à remplacer. Soit qu’ils écoutent leur reconnaissance, soit qu’ils consultent leur intérêt, ils n’ont qu’une chose à faire : écrire pour l’actrice qui s’est interposée entre eux et la foule, et qui les a aidés dans leur renommée.

Le dernier rôle confié à Mme Dorval, Margarita Cogni, n’a rien à faire avec la discussion littéraire. La pièce à laquelle il se rattache n’est pas mauvaise, ni médiocre, ni blâmable en aucun point. C’est un entassement de lieux communs, de banales déclamations, où l’esprit le plus complaisant ne saurait apercevoir l’ombre de la poésie. Pourtant ce rôle, où la réflexion la plus attentive surprend à grand’peine le germe d’une pensée, a été pour l’actrice qui l’avait accepté un triomphe éclatant, je n’ose dire un triomphe durable ; car dans huit jours peut-être cette puérilité dialoguée ira rejoindre la famille innombrable de ses sœurs aînées. Elle sera oubliée comme elle mérite de l’être. C’est à nous de constater la bataille gagnée ; peu importe que la querelle fut indigne de la lutte.

J’ai entendu deux fois avec une attention assidue la pièce de M. Ancelot, et, le second jour comme le premier, je me suis trouvé impuissant à réfuter ce qui n’est pas. Je n’ai donc rien à dire de l’auteur. Et sans doute il serait le premier à sourire si je discutais comme une œuvre littéraire ce qu’il a broché pour la curiosité oisive d’une quinzaine au plus. Shakspeare et Molière ont écrit dans leur vie tout entière ce que M. Ancelot écrit dans une année. À moins d’être dupe, il faut prendre ses pièces comme il les donne et ne jamais chercher dans ce néant sonore l’invention des pensées ou l’achèvement du style. L’industrie dramatique est aujourd’hui aussi active que les fabriques de Lyon et de Rouen ; mais devant une pareille industrie la critique littéraire doit demeurer silencieuse, sous peine d’être niaise.

Ce qui demeurait caché pour moi, l’actrice a su le découvrir. Une fois résolue à jouer ce rôle qui n’était pas, elle a fouillé har-