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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

mière fois du pittoresque, de l’entente dramatique, des caractères vrais, un dialogue heureux ; par malheur l’imitation de Walter Scott et de Cooper est évidente. L’auteur a jugé ce roman digne d’être revu et reconnu, et il ouvre sa carrière ostensible à dater de là. J’ai lu aussi vers 1829, dans les Annales romantiques du temps, des vers signés du nom de Balzac, harmonieux et bien rhythmés, et qui se rapprochent du faire de M. de Latouche. M. de Balzac à cette époque ne se contentait plus d’écrire ; son esprit d’entreprise l’avait poussé à des opérations de librairie et d’imprimerie ; les Annales romantiques où il insérait les vers dont je parle, étaient, je crois, imprimées par lui, et il publiait une édition de La Fontaine à laquelle il ajoutait une notice. Au reste, le non-succès de sa tentative industrielle le rendit vite à la littérature, mais sur un tout autre pied que devant. « L’imprimerie, dit-il, m’a pris tant de capital, il faut qu’elle me le rende, » et redoublant d’activité, révélant enfin son talent, il a tenu son dire. Pour résumer notre idée sur la première période presque clandestine d’une existence littéraire désormais si en évidence, voici ce qui nous semble : M. de Balzac, jeune, au sortir des bancs, bachelier ès-lettres, mena, comme il en convient dans Lambert, une vie passionnée et aventureuse. Par nécessité et par pente, il se livra, de moitié avec de joyeux compagnons, à cette facilité d’imaginer et d’écrire que la littérature inférieure d’alors réclamait à si peu de frais, et il dépensa de la sorte une portion de l’effervescence fiévreuse dont sa jeunesse dut être plus secouée qu’une autre. Un homme de vif esprit qui l’a beaucoup connu et qui lui a servi quelquefois de conseil, M. de Latouche, pourrait seul, s’il le voulait sans trop d’ironie, raconter en détail et éclairer ces origines contemporaines qui déjà se dérobent ; il pourrait animer d’anecdotes caractéristiques toute l’arrière-scène obscure de l’atelier littéraire de ce temps-là. Pour nous, qui n’avons plus qu’à passer l’éponge sur ces produits inconnus, incertains, désavoués, nous en venons à M. de Balzac qui se réveille un matin, sachant beaucoup du monde et des femmes, saisissant les tendresses, les ridicules, et débrouillant à la hâte au dedans de lui-même tout ce qu’il n’y avait point soupçonné jusqu’alors.

La Physiologie du mariage est une macédoine de saveur mordante et graveleuse, dans le goût drolatique, et qui annonce un