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qu’elle arrive les bottes crottées au château. Le nouveau cabinet ne peut être ni dans les affections ni dans les convenances de Louis-Philippe. Le roi est instruit, éclairé, il comprend les hommes d’expérience et d’affaires, et croit-on qu’il puisse jamais se plaire avec des politiques improvisés dans les dîners du Veau-qui-tête ? Dès lors ces ministres n’auront plus qu’un moyen de conquérir la confiance royale : ce sera d’obéir à toutes ses inspirations, de n’être que de simples instrumens, et de ne donner à la pensée du roi que le sceau nominal de la responsabilité ministérielle. Voilà où en sera réduite la combinaison Dupin avec son inconséquence, ses boutades d’indépendance et ses glorioles de juillet. Je voudrais qu’une fois pour toutes M. Dupin osât prendre les affaires, je voudrais qu’il fût président du conseil, et que nous vissions à l’œuvre ce caractère si politique, si éminemment propre à diriger les destinées d’un grand peuple ! je voudrais enfin qu’il renonçât aux coups sournoisement portés, qu’il vînt à la tribune exposer nettement et constamment un système, formuler un programme qui ne fût pas une déclamation, un perfide discours de barreau, une mercuriale inquiète ; qu’il eût enfin un autre courage que celui de la phrase et des petites intrigues, d’autant plus coupables qu’elles n’ont jamais été indépendantes de cumuls et d’énormes traitemens.

Le roi veut que les affaires du pays soient faites ; il ne peut laisser le désordre s’établir dans l’administration, que la politique étrangère marche au gré des idées de bouleversement et de l’ignorance ; à tort ou à raison, il ne s’entoure que de cette haute société politique dont les manières et les airs plaisent à son esprit, à sa vie sociale. Le parti Dupin lui est antipathique ; on le lui a imposé : il ne l’a pas choisi ; les préférences du roi sont pour la fraction des hommes d’état, pour les hommes d’affaires. À peine a-t-il vu une seule fois ses nouveaux ministres depuis leur avènement au pouvoir, et il n’a cessé d’avoir autour de lui MM. Molé, Pasquier, Guizot, Decazes. Je ne dis pas qu’il fasse bien ; je constate un fait puissant contre ce nouveau cabinet. Est-il étonnant que Louis-Philippe préfère la conversation de M. Molé, entraînante de faits et de bon goût, à une absence de mémoire et aux singulières oblitérations de M. de Bassano ?

L’Europe, c’est quelque chose, lorsqu’un pays ne veut point s’écarter des grandes relations qui unissent les états aux états. On se glorifie beaucoup d’avoir mis un nom bourgeois aux affaires étrangères. Dans l’avènement de M. Bresson, il ne s’agissait pas de nom nobiliaire, mais de convenance diplomatique. Il y a une hiérarchie en toutes choses, dans l’armée comme dans l’administration ; or, M. Bresson pouvait-il être appelé aux affaires étrangères, sans exciter le mécontentement de tous les ambassadeurs qui