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LA DERNIÈRE CRISE MINISTÉRIELLE.

représentent les puissances à Paris ? Je sais bien qu’il suffit que la confiance royale ait élevé un nom au ministère pour qu’il n’y ait plus ni hiérarchie, ni distance de rang ; mais le passé ne s’efface pas ! On se soumet, mais on a des répugnances, et ces répugnances gênent les négociations, rendent les relations moins expansives ? On dira que les grandes affaires se traitent avec Louis-Philippe, et que c’est lui-même qui en dirige l’impulsion et le mouvement. Mais alors que devient la responsabilité ?

Plaçons maintenant le ministère en présence de lui-même. Le sentiment général qui a accueilli ce nouveau cabinet a été celui d’une grande surprise ; on avait vu jusqu’ici le pays se mettre en colère pour certains ministères, se prendre de passions et de haines pour certains noms, bouder le pouvoir, ou se moquer même des hommes politiques appelés à le diriger. Le nouveau cabinet n’excite aucun de ces sentimens-là ; on se demande seulement ce que sont les ministres nommés, leurs antécédens, leurs opinions, quel système ils représentent. C’est le plus curieux réveil qu’un pays puisse avoir. Toutes les listes jusqu’à présent mises en circulation présentaient des noms connus avec de notables antécédens, qui pouvaient faire passer d’autres capacités moins notables. Mais voilà qu’on improvise tout à coup des ministres ; on les groupe sans savoir quel sera leur système, et surtout s’ils s’entendront entre eux. On répond à cela : C’est un ministère de coalition ; nous faisons ici ce qu’on fait en Angleterre. Nous joignons des noms propres avec des antécédens dissemblables, des opinions souvent opposées, des affections qui se rapprochent peu, afin de représenter les différentes nuances de la chambre.

Un ministère de coalition se comprend très bien en Angleterre, où les noms propres représentent quelque chose, une opinion, un parti ; on explique sans doute le ministère de coalition de lord North ou de Fox, parce qu’enfin il s’agissait d’apporter une force commune d’opinion dans les questions nationales de l’intérieur et de l’extérieur. Nous demandons ce qu’expriment M. Teste ou M. Charles Dupin dans le pays, quelle consistance ils peuvent donner au pouvoir, quelle puissance populaire ils peuvent lui offrir. Certes, ces personnages politiques peuvent être divisés d’opinion, sans représenter des opinions.

Je ne dis pas cependant que le ministère n’aura pas la majorité dans la chambre des députés ; la coterie qui a triomphé est cette espèce de parti eunuque dont le Journal des Débats a si bien parlé, parti qui exerce une certaine puissance sur la majorité des députés ; je dénombrerai bientôt ses forces. À l’encontre de cette majorité se trouveront deux opinions différentes qui embarrasseront étrangement le nouveau ministère. Ce ministère n’a pas pour lui la gauche ; il ne peut aller vers le parti