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REVUE. — CHRONIQUE.

seules comprises et admises par le roi. Aux Tuileries, on considère le cabinet actuel comme un accident qu’il faut subir pour épuiser un parti impuissant à produire, mais excellent pour taquiner le pouvoir.

M. Dupin a cru faire un chef-d’œuvre d’habileté en invitant chez lui les noms les plus opposés d’opinions et de principes ; tous se sont rencontrés dans ses salons : on a été froid, poli, comme gens de bonne compagnie ; mais les convives ont trouvé fort étrange qu’on les mît les uns et les autres en présence, après une crise dans laquelle tout le monde avait quelque grief à se reprocher. Plusieurs ont pris cela pour une mystification et une inconvenance. M. Dupin, qui ne peut pas donner un dîner, préparer un bal costumé, ou porter le cordon d’un dais sans en faire confidence aux journaux, s’est hâté de publier cet habile pêle-mêle. Ne faut-il pas justifier le traitement de 10 mille francs par mois pendant la prorogation de la chambre ?

Tout se résume maintenant dans la question de l’amnistie. Voici un premier projet qui, dit-on, a été présenté au conseil.

« Amnistie pleine et entière pour tout délit politique commis depuis le 29 juillet 1830.

« Est excepté tout crime politique qui se rattacherait à la chouannerie, au pillage des propriétés publiques et privées. Les personnes amnistiées seront tenues de prêter serment d’obéissance à la charte constitutionnelle et au roi des Français. »

Le texte vague de ce projet qui sera soumis aux chambres, permettra de ne point comprendre dans l’amnistie, d’abord par la date du 29 juillet, les ministres qui sont à Ham, et dont le crime est antérieur à cette date : non point qu’on n’ait pour eux une grande bienveillance aux Tuileries ; mais on craint des refus. Il a été dit que le comte de Peyronnet refuserait l’amnistie, si on la lui accordait ; il appelle une révision sérieuse et légale de son jugement.

Par le texte du second article, on veut excepter tous les républicains les plus redoutés. N’est-il pas facile de comprendre tous les condamnés pour émeute aux affaires de Lyon et de Paris dans la catégorie de ceux qui ont attenté aux personnes et aux propriétés ? Ensuite, qu’est-ce que ce serment politique imposé à chaque amnistié ? Sont-ils fonctionnaires publics parce qu’ils ont vécu à Sainte-Pélagie ou au Mont-Saint-Michel ? et au moment où le serment politique est si vivement attaqué, est-il bien légal de l’appliquer dans une circonstance si étrange ?

Au fond, le roi ne veut pas de l’amnistie. Ce n’est ni dureté de cœur ni répugnance pour toute mesure d’humanité et d’indulgence, mais une crainte bien ou mal fondée des hommes qui sont aujourd’hui détenus au Mont-