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ADÉLAÏDE.

Beethoven n’écrivait pas toujours l’ouverture de Coriolan ou la partition de Fidelio ; son âme passionnée, aux heures de quiétude, aimait à rêver dans les bois, à se reposer dans une œuvre douce et facile du grand travail des symphonies. Alors s’éveillaient en lui des voix mélodieuses qu’il revêtait pour nous d’une forme visible, chastes créations qu’il pétrissait avec une larme. Dans le moindre jet de l’arbre du génie, on retrouve la sève qui monte aux divins rameaux dont il fait sa couronne. Les cantates et les fragmens de Beethoven, comme les poèmes et les sonnets de Shakspeare, suffiraient à la gloire immortelle d’un homme. Maintenant quelle est cette Adélaïde, cette dame mystérieuse qu’il chante avec tant d’amour aux heures de loisir ? Qui nous l’expliquera ? Il est de par le monde des êtres inquiets, peu nés pour la poésie, avides surtout de science, occupés sans cesse à remuer le sol, au lieu de respirer les lis qui fleurissent à la surface ; esprits possédés par le démon de l’analyse, incapables de s’asseoir près du lac et de rester un jour à contempler le beau ciel qui se mire dans la sérénité des flots ; non, il faut qu’ils aillent chercher le sable et les graviers du fond, au risque de troubler en plongeant le beau cristal limpide.