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POÉSIES POPULAIRES DE LA BASSE-BRETAGNE.

châteaux, comme une vieille connaissance dont on rougissait et que l’on ne voulait plus voir, elle vint frapper aux chaumières, où elle fut reçue avec joie. Mais, au milieu de sa nouvelle cour, il lui fallut nécessairement changer quelque chose à ses habitudes. Elle n’avait plus à parler à des chevaliers des prouesses de leurs ancêtres, à de grandes dames des tendres faiblesses de leurs aïeules ; il fallait parler au peuple un langage qu’il comprît. La poésie laissa là ses habits du beau monde ; elle destitua l’esprit au profit de l’imagination, et elle se fit peuple, c’est-à-dire tout cœur et toute foi, toute ignorance et toute passion. Alors parurent ces poèmes si profondément frappés au coin de la nature, ces guerz, ces drames, ces sônes, ces cantiques dont tant d’admirables débris sont arrivés jusqu’à nous.

Il faut donc bien se le rappeler, les compositions bretonnes que nous allons nous efforcer de faire connaître, appartiennent toutes aux trois siècles qui se sont écoulés depuis 1600 jusqu’à nos jours. Dans l’examen auquel nous allons nous livrer, nous ferons abstraction des ouvrages en prose, parce qu’ils sont peu nombreux, peu remarquables, et, d’ailleurs, pour la plupart, traduits du français. La prose est une forme trop logique pour les littératures populaires, qui ne sont qu’impression et mouvement. Le jour où il y a eu sur la terre un homme qui a courbé la tête pour prier ou pour pleurer, il y a eu un poète ; mais les grands prosateurs ne sont venus que plus tard, avec les sciences et la philosophie. Homère avait mendié dans les villes de la Grèce cinq siècles avant que Platon élevât la voix.

Les poésies populaires de la Bretagne peuvent se partager en deux grandes classes : les poésies chantées et les drames ; nous ne nous occuperons, pour le moment, que des poésies chantées.

§. ii.
Poèmes chantés. — Leur influence en Bretagne. — La folle d’Auray. — Différentes espèces de poèmes chantés.

Tous les poèmes chantés des Bretons sont écrits en strophes et en vers de douze, de dix, de huit ou de six pieds ; ces vers sont