Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
REVUE DES DEUX MONDES.

un nommé Lappo-Saltarello, l’un des personnages les plus remuans de la faction des Blancs, et l’un des futurs compagnons d’exil de Dante, qui l’a nommé dans sa Divine Comédie comme l’un des objets de ses antipathies les plus vives.

Indigné du peu de cas que les prieurs de Florence avaient fait de ses ordres, Boniface écrivit à l’évêque de Florence, lui enjoignant d’intervenir sans délai pour faire révoquer la sentence prononcée contre ses trois protégés, ou de la casser comme nulle. L’évêque fit ce qu’il put pour exécuter les ordres du pontife, et ne réussit à rien.

Boniface écrivit alors directement au gouvernement de Florence une lettre fulminante, par laquelle il sommait les trois principaux auteurs de la sentence prétendue illicite, et nommément Lappo-Saltarello, de comparaître devant le saint-siége, dans le délai de huit jours, pour rendre compte de leur conduite et subir l’arrêt que le pontife aurait à prononcer contre eux. En cas de désobéissance de leur part, la communauté entière de Florence était menacée de diverses peines temporelles et spirituelles. Ces nouvelles menaces n’eurent pas plus d’effet que les premières : le jugement prononcé fut maintenu ; nul des personnages cités ne comparut devant le pape, et les Florentins furent excommuniés en masse.

La seconde lettre écrite par Boniface viii à l’occasion de cette affaire est fort curieuse pour l’intelligence des évènemens qui approchent. C’est une polémique formelle et détaillée, ayant pour but principal de réfuter les mauvais propos des Florentins, qui prétendaient que le pape n’avait aucun droit de s’entremettre dans le gouvernement de Florence. Non-seulement Boniface y soutenait par des raisons générales la supériorité du pouvoir spirituel sur le temporel, il essayait d’y démontrer d’une manière directe et positive qu’à l’autorité pontificale appartenait le gouvernement de Florence. Voici quelques traits de cette pièce :

« Toute âme doit être soumise au chef suprême de cette église militante ; tous les chrétiens, de quelque éminence ou condition qu’ils soient, doivent courber la tête devant lui. Autrement, comment vivraient les hommes qui ne voudraient pas reconnaître de supérieur ? Qui corrigerait leurs erreurs ? qui punirait leurs méfaits ? Certes, ceux-là sont insensés qui s’imaginent être sages de la sorte. Aussi, d’autant plus sommes-nous affligé de voir attenter à l’autorité du saint-siége et à la plénitude du pouvoir qui nous a été confié par Dieu, surtout quand l’offense vient de ceux qui sont plus particulièrement et plus expressément nos sujets. Les empereurs et les rois qui commandent à cette ville de Florence et à ses gouverneurs ne nous sont-ils pas soumis, et ne nous jurent-ils pas fidélité ? — Qui réparera le mal fait dans les villes et dans tous les lieux de la Toscane, et qui