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liance ; il aime et il croit ; il a une âme qui le comprend sur la terre et un Dieu qui l’attend dans le ciel. Que peut-il lui manquer ? — Vue du haut de son dévouement et de ses espérances, la vie lui paraît pleine de charme. S’il pleure, c’est que les larmes sont bonnes à verser ; c’est qu’il faut bien que l’on pleure, comme il faut que l’on parle, comme il faut que l’on chante pour pouvoir respirer plus à l’aise. Mais le cloarec est heureux ; le cloarec est plein de confiance, car il croit avoir payé volontairement son impôt à la souffrance. — Dieu lui fait bientôt connaître qu’il s’est trompé.

« J’étais dans mon jardin et je contemplais mes fleurs ; mon cœur était vide de tourmens, mes yeux étaient vides de larmes !…

« Et j’entendis un oiseau qui chantait sur ma tête : — Livre-toi à l’étude, cloarec, car ta bien-aimée est mariée !…

« Mais moi, furieux, je cherchais une arme pour tuer l’oiseau ; je cherchais une arme pour l’abattre du ciel.

« Périsse ainsi quiconque aurait le cœur de m’annoncer une telle désolation !

« Cloarec, cloarec ! écoute ceci dans les chants d’un oiseau, si tu n’aimes mieux l’entendre de la bouche d’un messager.

« Et j’ai été obligé de l’entendre de la bouche d’un messager ; je l’ai entendu, et j’ai respiré dans la douleur.

« Et voilà pourquoi maintenant je désire un trou de terre… »


Telle est la fin du rêve du cloarec. Bientôt le contre-coup de ce désenchantement se fait sentir. — Il avait établi dans son ame une sorte de solidarité entre cette femme et Dieu, et voilà que maintenant, trahi par la première, il se sent douter de l’autre. On a coupé une des ailes de sa foi, et sa foi retombe à terre, et les étoiles de son auréole de saint s’éteignent, une à une, sur son front. — Puis, sa maîtresse mariée, l’exaltation du sacrifice qu’il faisait à Dieu s’écroule de toute sa hauteur. Cette jeune fille et Jésus-Christ luttaient dans son ame, mais il n’y a plus de lutte, car la jeune fille s’est retirée ; partant plus d’intérêt, plus de douleur. La robe noire du prêtre n’est plus, pour lui, une tunique de martyr, ce n’est qu’une soutane vulgaire. Où le sacrifice cesse, le dégoût commence. Le cloarec, douteux et amer, ennuyé et triste, rabaisse les yeux autour de lui, avec la dédaigneuse résolution qui