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REVUE DES DEUX MONDES.

coulent sans cesse le long de mes joues, en voyant le péché et l’infamie souffler sur ma patrie, sans changement, ni trève.

« Et pour soulager mon cœur, je me suis dit : Chantons ! mais je n’ai pu que l’essayer ; chaque son défaillait en soupir ; car, sur un rivage étranger, ma langue s’attache à mon palais ; tous mes chants s’aigrissent et tournent en sombres cantiques. »

Le poète commence ensuite l’histoire de la révolution française et de ses suites déplorables. Il raconte la mort de Louis xvi ; puis il ajoute :

« Après un tel crime viendront les autres crimes. Maintenant à la mort la foule !… Maintenant malheur à tout riche ! Maintenant malheur à tout noble ! Maintenant malheur à tout chrétien !…

« L’instrument de la mort se promène dans nos paroisses, et fauche des têtes à son gré. Au nom de la liberté, la mort est partout. Aux frontières, il faut mourir par la guerre ; au foyer de ses pères, il faut mourir par l’échafaud !

« Alors vous auriez vu des prêtres vénérables, blanchis et ridés par les austérités, venir, les mains liées, rendre témoignage à la loi de l’Évangile. Ils demandaient l’honneur de mourir ! — Ils furent bientôt exaucés.

« Mille bourreaux sont employés à les conduire à la mort, non pas un à un, mais par troupes. Sept cents sont massacrés à Paris, dans un seul jour, parce qu’ils croyaient !

« Pour eux, ni procès, ni défense. Un bourreau les prend et les massacre à sa manière. Il les assomme, les étrangle, les disperse en lambeaux, leur arrache, à pleines mains, les entrailles ; — et quand on est las de tuer, on envoie le reste en exil !

« Honneur, honneur à toi, ma contrée, ma pauvre Bretagne ! mon cœur n’est plus si triste à ton souvenir. Chez toi, des mercenaires[1] pourvoient aux besoins de l’église de Jésus-Christ. — Mille crimes ont été commis, ô Bretagne ! en ta faveur, Dieu pardonnera à mille coupables !

« Ô nobles mercenaires ! j’envie votre sort ! Pourquoi n’ai-je point la gloire de mourir comme vous ? Combien de temps encore

  1. Mercenerien. — Hommes qui vivent du travail de chaque jour.