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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

de conclusion. Après l’analyse et le pamphlet, que pouvons-nous attendre ? L’analyse ne nous suffit plus ; le pamphlet nous est inutile. Il nous faut à présent l’analyse dans l’action, c’est-à-dire l’humanité dans l’histoire, la philosophie dans la réalité. — Cette formule aux mains d’un grand poète deviendra un théâtre magnifique et nouveau, comme la courbe dont Lahire a donné l’épure est devenue la coupole de Saint-Pierre.


P. S. Au moment où j’achève ces paisibles réflexions, M. Scribe vient à nous avec une comédie en cinq actes, ni plus ni moins ; il me réveille en sursaut au milieu de mes songes dorés sur l’avenir dramatique de la France. J’aurais mauvaise grâce à ne pas essayer sur lui les formules que je viens de poser. Bien que l’auteur de Bertrand et Raton soit à coup sûr un des hommes les moins littéraires de ce temps-ci, je ne puis guère me refuser à parler de lui ; car le plus grand nombre se méprendrait sur mon silence[1].

Robert Walpole est le héros nominal de la nouvelle comédie ; mais que l’auteur se rassure : je ne composerai pas à son usage une petite leçon d’histoire ; je ne le chicanerai pas sur son ignorance. Habitué qu’il est à vanner librement les plus grands noms, à les rimer pour l’Opéra et l’Opéra-Comique, à les distribuer en ariettes et en duos, il agit très cavalièrement avec les princes et les ministres ; il saute à pieds joints par-dessus la chronologie et la géographie. Le Robert Walpole de l’histoire n’a pas grand’chose à démêler avec l’Ambitieux de M. Scribe ; ce qu’il avait fait de Struensée présageait assez bien ce qu’il ferait de Walpole ; il ne faut donc pas gaspiller son temps et sa parole dans ces querelles secondaires.

L’Ambitieux que nous avons vu jeudi dernier est une pure inven-

  1. L’avis sévère exprimé sur la nouvelle comédie de M. Scribe par l’auteur de cet article ne sera peut-être pas partagé par la majorité de nos lecteurs. Une foule de traits spirituels, applaudis à la représentation, ont mérité la sympathie de l’auditoire. Mais l’inflexible impartialité qui préside constamment aux jugemens littéraires de la Revue, nous faisait un devoir de ne pas gêner aujourd’hui l’indépendance de notre rédacteur habituel, pas plus que nous ne l’avons fait pour MM. Delavigne et Hugo.

    (N. du D.)