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LA DERNIÈRE CRISE MINISTÉRIELLE.

blait pressé d’en finir avec la domination doctrinaire ; on n’épargnait ni les promesses ni les caresses. On s’exprimait hautement sur l’immoralité de M. Thiers, la morgue hautaine de M. Guizot. » Cette fortune ministérielle, disait-on, qui arrivait sur des têtes inconnues, qui allait chercher des hommes de chambre, n’était-elle pas le meilleur témoignage de la sincérité des intentions du roi et des véritables conditions du gouvernement représentatif ? On avait enfin un ministère que la majorité avait fait. »

M. Dupin prétend n’avoir eu connaissance de la combinaison ministérielle que par les communications de M. Passy, et cependant M. Dupin fut la première personne consultée, et cela devait être, car le ministère qui se formait ne pouvait exister sans lui ; c’étaient ses amis au pouvoir. On devait dès lors prendre ses conseils, suivre ses avis, s’éclairer de ses notions sur le personnel de la chambre. Voici dans quel ordre ces communications furent faites : on s’ouvrit d’abord à M. Persil ; M. Dupin fut immédiatement instruit, ainsi que M. Teste, puis M. Passy, et M. Charles Dupin quelques instans après, et tout fut arrangé dans deux heures. Je dois le dire même si M. Persil fut maintenu dans le nouveau conseil, à qui la faute ? Le roi l’avait laissé, il est vrai ; mais qui l’approuva, si ce n’est M. Dupin aîné, qui a toujours eu pour son collègue du barreau une faiblesse et une amitié si expansive ? Le président de la chambre ne l’oublia point en cette circonstance. Quant à M. Sauzet, il fut indiqué par M. Teste, dont il était l’ami, comme un orateur indispensable ; d’ailleurs, M. Sauzet a conquis une sorte de popularité de château et de famille royale ; Louis-Philippe aime à causer avec lui, car le roi a la singulière prétention de se faire convertisseur, et il voudrait entraîner tout-à-fait le député de Lyon dans ses doctrines. M. Sauzet s’est posé singulièrement : aux carlistes, il fait insinuer qu’il marche avec eux ; il se proclame indépendant en face du parti libéral ; il se dit l’admirateur des talens doctrinaires ; lui-même ou ses amis jouent ainsi un rôle qui ne peut durer long-temps. En politique, on doit une fois pour toutes se dessiner. Si M. Sauzet plaisait au roi, il n’était pas non plus désagréable à M. Dupin ; la manie du président de la chambre, comme chacun sait, est de vouloir mettre en face les opinions les plus contradictoires et les plus opposées ; ce qu’il appelle son salon neutre est une espèce de pêle-mêle d’opinions, une cohue que son amour-propre prépare pour se faire saluer par toutes les couleurs. Cette cohue, M. Dupin ne la voyait pas entrer avec peine dans le ministère. La grande erreur des nouveaux ministres fut d’accepter sans préparation, sans se tâter particulièrement, sans voir s’ils pouvaient aller ensemble, s’ils avaient appui au château, s’ils avaient des garanties suffisantes contre la coterie