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LA DERNIÈRE CRISE MINISTÉRIELLE.

M. Persil ; et celui-ci, voyant bien que son article ne réussirait pas, le remit dans son portefeuille en s’écriant : « Je vois, messieurs, que ceci vous déplaît. » L’article avait été concerté entre le roi et le garde des sceaux.

Le thème de M. Persil avait du retentissement au dehors. Dès la formation du nouveau ministère, les membres du dernier cabinet, et particulièrement MM. Thiers et Guizot, s’étaient hâtés de faire, avec quelque ostentation, les préparatifs de leur départ du ministère ; ils annonçaient haut le dégoût qu’ils avaient éprouvé dans les affaires ; ils avaient sacrifié, disaient-ils, leur repos à l’ordre, à la paix extérieure ; que leur restait-il maintenant ? Un besoin de retraite, un vif désir de reprendre leurs travaux, leurs occupations chéries ; M. Guizot soupirait après sa chaire de Sorbonne, M. Thiers refaisait l’Histoire de l’empereur ; M. Duchâtel reprenait ses fonctions de journaux et de charité publique ; M. Humann s’acheminait vers Strasbourg. On voulut donner une sorte d’éclat à ce désintéressement des fonctions publiques ; M. Villemain envoyait sa démission d’une toute petite place rétribuée ; le stoïque M. Cousin se frappait dans une position gratuite.

Pourtant, au milieu de cet abandon si affiché, on se groupait plus que jamais pour préparer la chute du nouveau ministère ; M. de Broglie commençait à rouvrir ses salons de pairie où devaient s’élaborer des armes puissantes contre le ministère Bassano ; de là partaient à dessein des nouvelles fabriquées et répandues dans le public ; « tantôt c’était l’Europe qui s’alarmait ; puis le nouveau président du conseil n’était-il pas criblé de dettes ? M. Sauzet refusait d’accepter ; qu’était-ce que ce M. Bresson, improvisé ministre des affaires étrangères ? L’armée s’abaisserait-elle devant le général Bernard ! On voulait changer de système, c’était donc l’émeute qu’on ressuscitait ; et la guerre étrangère, ne devait-on pas la craindre ? Déjà le corps diplomatique s’était plaint ; il s’inquiétait de la direction imprimée aux affaires. » Tout ce qui voyait le roi dans ses intimités du soir, d’où la bourgeoisie était exclue, suivait le même thème ; quel appui pouvait trouver là le nouveau ministère, lorsque surtout le Journal des Débats vint dénoncer ses plaies, et que la Bourse manifesta une tendance de baisse fortement exploitée par la coterie doctrinaire ?

La seconde séance du conseil montra déjà l’influence de ces idées. M. Persil se plaça encore une fois dans cette donnée exclusive : « Qu’il ne fallait pas changer de système, même dans les formes matérielles des délibérations. » Comme on avait devancé l’époque de la session, on dut naturellement agiter les projets qui seraient présentés aux députés ; M. Persil dit qu’il avait rédigé une loi de responsabilité ministérielle, une