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REVUE. — CHRONIQUE.

de M. Thiers, les opinions de M. de Rigny, les opinions de M. Humann, les opinions de M. le duc de Trévise, le président de ce conseil, et même les opinions de M. Guizot ? Quoi de plus divergent que toutes ces pensées politiques, liées en faisceau, ou plutôt en fagot, pour former un ministère ? Lord Byron dit quelque part, au sujet de Lewis et de Mme de Staël, tous deux bavards disputeurs, et qui avaient cessé de se voir : « Hélas ! ils sont brouillés et ne se querelleront plus. » C’est ce qu’on pouvait dire, il y a peu de jours, et ce que l’on répétait hier du ministère actuel, si on peut encore l’appeler ainsi.

Le ministère de l’état de siège et ses amis des journaux se renferment dans ces paroles : « Nous représentons une résistance. » Si c’est une résistance à la constitution, à la bonne heure, nous la comprenons ; une résistance aux idées de réforme dans l’administration, aux vues d’économie, cela est possible. En ce sens, le ministère actuel est un véritable ministère de résistance, comme celui de lord Wellington, qui a du moins la franchise d’avouer ses opinions et de ne pas se donner comme un soutien des idées libérales et progressives.

Le ministère dit encore : « Le tiers-parti n’est pas en état de résister, comme nous l’avons fait, à la révolution. » C’est ce que les tories disent aux whigs en Angleterre. Mais cette fois, le ministère a peut-être raison. Le tiers-parti en est encore à se chercher lui-même. Il a paru trois jours au pouvoir, mais représenté par des choix si bizarres, que le ministère actuel offre une admirable unité près de celui que nous avons vu passer comme une ombre. On dit que le tiers-parti, le parti parlementaire, comme il veut qu’on l’appelle maintenant pour effacer jusqu’au nom sous lequel il a subi une si triste défaite, a senti depuis ce jour la nécessité de se constituer, et de présenter quelques têtes élevées en cas d’évènement. Nous lui souhaitons bonne chance, mais nous craignons bien que M. Dupin, le chef invisible de ce parti occulte, ne cache la sienne au moment où l’on voudra le couronner du titre de ministre. En Angleterre, la conduite politique que tient M. Dupin ne serait pas possible. Son rôle serait bientôt fini : on l’eût forcé d’être ministre il y a long-temps.

La France ne peut pas cependant toujours être ballotée entre MM. Thiers et Guizot, ou entre M. Thiers et M. Dupin. M. Dupin voit déjà combien mal a réussi l’idée qu’il a eue d’envoyer son frère Raton tirer pour lui du feu les marrons ministériels. Aussi, pour peu que M. Dupin trouve à former, avant la session, dans sa tête incertaine, une sorte de système politique, s’il arrive à se faire une idée juste de l’amnistie qu’il veut, s’il parvient à concilier sa haine pour ses amis de la gauche avec son aversion pour ses amis du château, à faire marcher d’accord son goût de popularité