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mes doutes philosophiques, il m’a renvoyé à sa Critique de la raison pure, et au prédicateur aulique Schulz, que je vais aller voir tout de suite. Le 26, j’ai dîné chez Kant avec le professeur Sommer, et j’ai trouvé dans Kant un homme très spirituel et très aimable. C’est de ce jour seulement que j’ai reconnu en lui des traits dignes du grand esprit dont ses écrits sont imprégnés.

« Le 27, je termine ce journal après avoir fait des extraits du cours de Kant sur l’anthropologie, que m’a prêté M. de S. Je prends en même temps la résolution de continuer régulièrement ce journal chaque soir, avant de me coucher, et d’y déposer tout ce que je rencontrerai d’intéressant, surtout en traits de caractères et en observations

« Le 28 au soir. J’ai commencé hier à revoir ma Critique ; des pensées et des idées vraiment bonnes me sont venues qui, malheureusement, m’ont convaincu que mon premier travail était tout-à-fait superficiel. J’ai voulu aujourd’hui pousser plus loin cet examen, mais mon imagination m’a tellement détourné, que je n’ai pu rien faire de tout le jour. Cela n’est malheureusement pas étonnant dans ma position actuelle. J’ai calculé qu’il ne me reste plus de moyens de subsistance que pour quatorze jours. Il est vrai que je me suis déjà trouvé dans de semblables embarras, mais c’était dans ma patrie, et puis, en prenant de l’âge, et avec un sentiment toujours plus délicat de l’honneur, cela devient de plus en plus dur… Je n’ai pris et n’ai pu prendre aucune résolution. Je ne m’ouvrirai pas au pasteur Borowski, auquel Kant m’a adressé : si je m’ouvre à quelqu’un, ce ne sera pas à d’autre que Kant lui-même.

« Le 29, je suis allé chez Borowski, en qui j’ai trouvé un homme vraiment bon et honorable. Il m’a proposé une condition qui d’ailleurs n’est pas encore très assurée, et d’autre part ne me plaît pas beaucoup. Et pourtant ses manières franches et loyales m’ont arraché l’aveu que j’étais pressé de trouver une place. Il m’a conseillé d’aller voir le professeur W. Je n’ai pu travailler aujourd’hui… Le lendemain je suis allé en effet chez W. et ensuite chez le prédicateur aulique Schulz. Les informations sont peu favorables chez le premier ; cependant il m’a parlé de places de précepteur en Courlande, que le besoin le plus pressant pourra seul me forcer d’accepter. Chez le prédicateur aulique, j’ai d’abord été