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REVUE DES DEUX MONDES.

Dans les premiers sonnets, notre amant s’efforce, avec la bonhomie la plus ingénieuse, de prouver à celle qu’il aime que sa beauté n’est qu’un dépôt qu’elle doit transmettre à un autre elle-même ; que la nature lui a prodigué ses dons comme à un type destiné à reproduire d’autant plus de copies.

Dear my love, you know
You had a father ; let your son say so
.

« Mon amour, vous savez que vous avez eu un père ; que votre fils puisse en dire autant. »

Tout, dans la création, lui sert à l’appui de son argument : le printemps, le soleil, l’hiver, la musique surtout, dont les sons, qui se marient harmonieusement, l’invitent à se marier aussi. Elle ne doit pas compter sur les vers de son amant pour vivre à jamais. Quand même ils iraient à la postérité, comment peindre toutes ses grâces, toutes ses perfections ? Et s’ils y réussissaient, on les accuserait d’exagérer, tandis qu’un enfant d’elle serait leur justification ; elle vivrait deux fois dans cet enfant et dans ces vers.

Ici finira la première partie du roman. Le raisonnement, que le désir rendait si subtil, fait place à de pompeux éloges de son amante, à une noble assurance en lui-même.

— Temps destructeur, écrase les griffes du lion… brûle l’éternel phénix dans son sang… attriste et réjouis les saisons dans ton vol… mais épargne mon amour, comme un modèle de beauté pour les générations qui se succèdent ; ou plutôt je te brave, ô vieux Temps ! En dépit de toi, mon amour, dans mes vers, vivra toujours jeune ! — L’hymne succède à la prière ; tout porte à croire que sa maîtresse a cédé à la puissance de ses argumens. L’amour heureux est emphatique ! Mais tout à coup le bon goût du poète, son sens droit, reparaissent. Il ne la comparera pas, comme font d’autres muses, à la lune et au soleil, aux trésors de la terre et des mers.


O let me, true in love, but truly write !

« Oh ! vrai dans mon amour, que mon langage aussi ne soit que vrai ! »


Puis, soudain, la crainte lui revient que sa franchise ne déprécie