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Toutefois, le matin venu, les exilés, poursuivant bravement leur projet, laissèrent une partie de leurs forces à la Lastra, village à deux milles de Florence, sur la route de Bologne, parurent sous les murs de Florence, forcèrent sans beaucoup de difficulté une des portes, et pénétrant dans la ville, vinrent se ranger en bataille sur la première place qu’ils trouvèrent. De là, ils envoyèrent en avant un détachement chargé de tâter la population florentine. Ce détachement rencontra de la résistance, et fut repoussé. Le bruit de cette défaite arriva fort exagéré aux troupes restées en station à la Lastra, qui en prirent l’alarme et battirent précipitamment en retraite. Le corps principal des exilés, déjà découragé par un premier échec, et tout étonné de trouver une résistance à laquelle il ne s’attendait pas, acheva de se troubler, quand il apprit la brusque retraite des forces laissées en réserve à la Lastra.

Tout concourait à empirer leur situation : on était alors au mois de juillet ; il faisait une chaleur brûlante, et campés comme ils l’étaient loin de la rivière, dans un endroit absolument privé d’eau, les Blancs-Gibelins enduraient toutes les horreurs de la soif, tandis que leurs chevaux défaillaient sous eux. Découragés, désespérés, ils se mirent plutôt en fuite qu’en retraite, haletant, suffoquant, laissant tomber leurs armes de lassitude et de souffrance, et ne songeant pas même à défendre leurs vies. Plusieurs furent pris, et pas un n’aurait échappé, s’ils eussent été vivement poursuivis.

Dante faisait partie de cette expédition, et sans doute il y souffrit tout ce qu’y souffrirent les autres. Mais ce qu’il en ressentit avec plus d’amertume et d’indignation, ce fut la honte ; et, en effet, jamais peut-être occasion si belle ne fut manquée avec tant de maladresse. Déjà mécontent des chefs de son parti, Dante ne leur pardonna pas ce dernier échec : il prit dès-lors la résolution de les abandonner, de faire cause à part, et de chercher à rentrer dans sa patrie par d’autres voies que la force et la guerre. Du mois de juillet 1304 au mois d’avril 1307, durant près de trois ans, il disparaît complètement de l’histoire des factions de son époque, et l’on sait à peine ce qu’il devint dans cet intervalle.

À en croire Leonardo d’Arezzo, dont le témoignage est toujours des plus graves, quand il s’agit de la biographie de Dante, celui-ci, aussitôt après s’être détaché de son parti, se rendit à Vérone, où il dut recevoir l’hospitalité d’Alboino della Scala, alors seigneur de cette ville. Ce témoignage semble confirmé par celui de Dante lui-même, qui désigne expressément la cour des Scaligeri de Vérone comme son premier refuge. La chose est d’ailleurs d’autant plus vraisemblable, que notre poète, en sa qualité d’agent du parti des Blancs, au début de la guerre de ce